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L’enfance, la jeunesse, le PDC, l’infamie

Jean-François Cavin
La Nation n° 1957 28 décembre 2012

Une commission permanente du Conseil national (celle de la science, de l’éducation et de la culture, CSEC) veut renforcer les pouvoirs de la Confédération pour ce qui touche à la jeune génération. Elle procède à une consultation, de son propre chef, sur un rapport et un projet d’article constitutionnel concernant «la protection et l’encouragement (à quoi? réd.) de l’enfance et de la jeunesse». Dans un de nos précédents numéros, le ronchon a cité, extraites du rapport en question, les phrases passe-partout assez vides de sens pour motiver n’importe quelle intervention fédérale, avec leur ration bien pesée d’amalgames, de contradictions camouflées et d’idées toutes faites. Il faut avoir la hauteur d’âme de notre Ronchon pour décrire une telle horreur avec son humour bougon. L’homme ordinaire, lui, sort de cette lecture soit accablé par la prétentieuse insuffisance des auteurs, soit saisi d’une sainte colère.

On trouve en effet dans ce rapport tout ce qui peut consterner un esprit non seulement fédéraliste, mais tout simplement doué d’un minimum de rectitude et de bon sens: la mention de nouveaux «défis» qu’il s’agit de relever mais dont on ne dit pas la nature exacte, l’assurance d’un indéfectible attachement à la subsidiarité de l’intervention fédérale, mais sans tolérer la diversité des comportements cantonaux, les lamentations sur l’insuffisance du dispositif central face aux conventions internationales, les demi mensonges sur les prétendus méfaits d’un manque de stratégie globale, et l’on en passe.

Ce magma répugnant tire son origine d’une initiative parlementaire de la démocrate-chrétienne valaisanne Amherd, ce qui donne matière à réflexion. Car on ne dira jamais assez le mal que le PDC fait à la Suisse fédéraliste depuis qu’il n’est plus le parti conservateur-catholique tenant les anciens bastions du Sonderbund, et donc attaché à leur souveraineté. Il se veut désormais centriste, c’est-à-dire indéfinissable, et survit en se faisant remarquer à Berne tant qu’il peut, soit en tenant le balancier entre la gauche et la droite, soit en se prêtant aux plus sordides marchandages, soit en usant jusqu’à la corde les rares thèmes de son fonds de commerce, au premier rang desquels figure la famille (et cela mène à l’infamie); dans tous les cas, il sacrifie à un activisme fédéral incessant, tout en protestant (si l’on peut dire) de son respect des cantons avec une parfaite hypocrisie.

Mais voyons de plus près la démarche de nos centralisateurs démochrétiens, rejoints bien sûr par les socialistes et quelques autres. Leur rapport rappelle que la politique relative à l’enfance et à la jeunesse relève actuellement surtout des cantons et des communes, la Confédération édictant tout de même des règles par la voie du Code civil (surveillance des parents, tutelle, placement), du Code pénal (prévention de la délinquance juvénile) et de la loi sur les activités extrascolaires de la jeunesse. Mais, poursuit le rapport, les cantons agissent de manière disparate; moins de la moitié d’entre eux, horresco referens, ont édicté une loi d’aide à la jeunesse; rares sont les cantons alémaniques, iterum horresco, à disposer d’un office spécialisé au sein de leur administration; la participation des jeunes à la vie publique (parlements de jeunes, contribution à des projets de mobilité douce ou de places de jeu) n’est pas garantie partout; et, faute de pouvoir développer une stratégie propre, les apparatchiks de la Confédération sont en peine de faire bonne figure devant les apparatchiks du Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Tableau désolant, comme on voit; d’où le vœu de doter la machine fédérale du pouvoir de coordonner les actions des cantons et des milieux intéressés, ce qui doit «permettre à la Confédération de mener la barque».

Il est remarquable que nulle part n’apparaisse, en termes concrets et argumentés, en quoi l’abstention fédérale est réellement dommageable pour les enfants et les jeunes gens. La diversité des politiques cantonales est un mal en soi, point barre. La centralisation n’a plus besoin d’être justifiée: elle est un bien en soi.

Une minorité de la commission s’oppose au projet. On y trouve tous ses membres appartenant à l’UDC (dont M. Jean-Pierre Grin, ainsi que M. Oscar Freysinger), les PLR (dont M. Fathi Derder). On y cherche en vain les noms des autres membres vaudois de ce cénacle: Mme Josiane Aubert (bien entendu), M. Jacques Neirynck (qui ne devait pas être dans un de ses trop rares bons jours), Mme Isabelle Chevalley (qui ne craint pas que le Bund brasse du vent). On n’y trouve pas non plus le nom de la seule représentante du Parti bourgeois-démocrate, dont on ne sait décidemment pas ce qu’il vaut.

Mis en consultation jusqu’au 22 février, ce projet mérite un rejet sec et sonnant. On ose espérer que ce sera la réaction du Conseil d’Etat vaudois, où Mme Lyon elle-même ne devrait pas souhaiter que ses services soient placés sous tutelle fédérale.

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