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La cryothérapie Weber

Jean-Michel Henny
La Nation n° 1991 18 avril 2014

Le vignoble en terrasses de Lavaux fait partie des sites du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le catalogue de l’UNESCO compte à l’heure actuelle un millier de sites qui ont une valeur universelle exceptionnelle et doivent satisfaire à des critères de sélection rigoureux. On distingue les paysages naturels des paysages culturels. C’est dans cette dernière catégorie que Lavaux a été placé. Un paysage culturel résulte de l’œuvre conjointe de la nature et de l’homme. Il illustre l’évolution de la société et les établissements humains au cours des âges, sous l’influence de contraintes et d’atouts présentés par leur environnement naturel et les forces sociales, économiques et culturelles successives, internes et externes, pour reprendre les termes de la Convention du Patrimoine mondial.

Et les terrasses de Lavaux entrent bien dans cette catégorie. Elles sont le résultat du travail de l’homme au cours des siècles. De pentes abruptes et probablement recouvertes de taillis et d’arbres, on a fait des terrasses soutenues par des murs qu’il a fallu sans cesse refaire ou consolider. Ramuz nous l’a rappelé.

Personne ne conteste la beauté du site et l’intérêt qu’il y a à le préserver. Mais chacun a sa méthode.

Celle de Franz Weber et de son initiative sur laquelle nous voterons le 18 mai est radicale. Cette cryothérapie entend geler toute possibilité d’extension et de développement ou même de reconstruction des bâtiments dans les villages de Lavaux. Les bâtiments existants ne pourraient pas être démolis, sinon à titre exceptionnel et si cela est justifié par des motifs objectifs. Les reconstructions ne pourraient être autorisées que dans les limites des volumes existants et toute construction nouvelle serait exclue à l’exception des constructions souterraines. Il s’agit là de mesures extrêmes puisqu’il y a encore dans les villages des besoins d’agrandissements, de transformations et même de constructions nouvelles, pour certaines parcelles isolées notamment au milieu de secteurs bâtis.

Au musée en plein air de Ballenberg, les bâtiments ne sont ni habités ni utilisés. Comment les habitants de Chexbres, Cully ou Grandvaux pourraient- ils continuer à développer et adapter leurs outils de production et leurs logements avec de telles contraintes?

Pourtant, les contraintes, les habitants de Lavaux les connaissent. Aux règles strictes de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire se sont ajoutés les règlements communaux et, à partir de 1979, la loi sur le plan de protection de Lavaux. Il faut encore rappeler les mesures prises pour la protection de la nature, des monuments et des sites. La plupart des villages de Lavaux figurent dans l’Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ISOS).

Tout propriétaire qui veut obtenir un permis de construire ou de transformer doit recueillir l’aval de la Municipalité, bien entendu, mais aussi du Service du développement territorial puisqu’on se trouve à Lavaux, de la Section monuments et sites du Service Immeubles, Patrimoine et Logistique et de la Commission consultative de Lavaux, notamment. Cette dernière est entrée en fonction il y a deux ans.

La Commission est composée d’un représentant de l’Etat, en l’espèce le préfet, qui la préside, de trois représentants des communes et de cinq spécialistes extérieurs à la région. Tout projet doit recueillir son aval avant de pouvoir être soumis à l’enquête publique. Pour accomplir son travail avec rigueur et équité, la Commission a fait établir un guide des bonnes pratiques architecturales qui doit aider les constructeurs et leurs mandataires. C’est aussi une contrainte.

Et à tout cela, il faut ajouter le risque, lors de l’enquête publique, de voir Helvetia Nostra ou l’association Sauver Lavaux se manifester en faisant opposition ou même recours.

Autrefois, le criminel condamné à l’exposition publique était attaché à un poteau par le cou au moyen d’un collier appelé carcan. A Lavaux, il est attaché très serré. Franz Weber voudrait que le condamné ne bouge plus du tout grâce à un traitement lourd par le gel. Nous disons non à la cryothérapie qui finira certainement par tuer celui qu’elle prétend sauver.

L’électeur du 18 mai devra également dire s’il accepte la loi du 21 janvier 2014 modifiant la loi sur le plan de protection de Lavaux en guise de contre-projet du Grand Conseil.

Ce contre-projet a été élaboré dans la crainte de voir l’initiative aboutir. Il est mauvais. Il entre trop dans les détails. Il bride les communes en leur ôtant toute responsabilité mais en faisant semblant de leur laisser encore quelques compétences dans les zones bâties. Il crée un outil de planification supplémentaire qui devra être adopté par le Grand Conseil et n’apporte, par rapport à la situation actuelle, que quelques règles tatillonnes. C’est un projet qui donnera du travail aux juristes et compliquera la tâche des constructeurs et architectes sans aucun bénéfice pour la protection de Lavaux. La promesse de quelques subsides pour la réfection des murs a peut-être permis de convaincre des vignerons et habitants de Lavaux peu enclins à accepter ce pis-aller.

Non à la cryothérapie de Franz Weber. Non à l’oligothérapie du contre-projet.

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