Juvenilia CXV

Devant le musée de l’Hermitage, je chapitre dûment mes élèves. Certes, leur éducation ne prête pas flanc à la critique et ils sont ordinairement plutôt dociles, mais c’est un troupeau de vingt et je ne suis pas assuré de leur intérêt pour la peinture de Greuze, Chardin ou Lancret. En classe, ils ont accueilli avec tiédeur l’étude des idées de Diderot. Je leur précise que les autres visiteurs ont payé une entrée de musée d’art et non de jardin zoologique.

– Ne vous faites pas de bile, monsieur, c’est comme avec la famille: quand on est à l’extérieur, on sait se tenir.

Pendant la visite, ils se comportent de manière caricaturalement disciplinée: on les entend à peine chuchoter devant les tableaux, comme s’ils adoraient le Saint-Sacrement en quelque crypte; ils filent avec une discrétion de serpent dans les couloirs et les escaliers, suscitent le sourire incrédule des gardiens.

Le lendemain, je les félicite de leur comportement. L’explication ne se fait pas attendre:

– On vous avait bien dit qu’on pouvait se montrer civilisés. Donc, l’année prochaine, on peut sans souci aller à Amsterdam en voyage d’étude! CQFD.