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Droits politiques des étrangers: de la spoliation à la désintégration

Alexandre Pahud
La Nation n° 1922 26 août 2011
Dans La Nation du 29 juillet dernier, M. Olivier Delacrétaz analyse sous l’angle des institutions les principaux défauts de l’initiative pour l’octroi des droits politiques aux étrangers sur le plan cantonal, initiative soumise au peuple vaudois le 4 septembre prochain. D’autres personnes, comme M. Philippe Leuba1 ou M. Frédéric Dovat2, ont développé des critiques de nature similaire. Si une approche institutionnelle «statique» se révèle indispensable, elle ne constitue pas l’unique manière de traiter la question. Afin de mesurer toute la nocivité du projet socialiste, il convient d’en appréhender également les mécanismes d’un point de vue dynamique et les enjeux de pouvoir sur le long terme.

S’inscrivant dans le prolongement du droit de vote et d’éligibilité des étrangers au niveau communal, sournoisement introduit dans la nouvelle Constitution de 2003 parmi une multitude d’autres dispositions, l’initiative «Vivre et voter ici» envisage une extension du corps électoral selon des critères purement administratifs, sans égard au degré réel d’intégration des intéressés. En effet, pour participer au scrutin, il suffira qu’un étranger ait séjourné dix ans en Suisse et trois ans dans le Canton de Vaud, au bénéfice d’une autorisation. Peu importe s’il maîtrise mal le français, fréquente exclusivement des compatriotes ou tire ses revenus des services sociaux. Les exigences formelles que met l’initiative, en raison même de leur formalisme, doivent être considérées comme des maxima provisoires dont la gauche réclamera l’assouplissement à chaque occasion propice. Dans un régime fondé sur la mythologie égalitaire et le clientélisme électoral, comment admettre qu’un sans-papier qui vit et travaille en Suisse depuis longtemps se trouve exclu de la masse des votants? Quand les racines poussent en quatre ans, pourquoi faudrait-il attendre encore six longues années avant de donner son avis?

Depuis ses origines, la Ligue vaudoise conteste le système des partis qui introduit des divisions artificielles au sein du corps politique, subordonnant la recherche du bien commun et la résolution de problèmes concrets à de stériles compétitions électorales sur fond de pesanteurs idéologiques. Pourtant, jusqu’à présent, il s’agit de querelles internes à la société vaudoise, qui mettent aux prises périodiquement différents groupes de citoyens. Même si les divergences sont profondes et les inimitiés tenaces, on reste tout de même entre compatriotes, c’est-à-dire entre personnes unies par une communauté de destin, et donc condamnées à trouver un modus vivendi minimal. Avec le vote des étrangers, la politique change de nature, puisque des éléments allogènes vont interférer désormais dans les affaires d’une collectivité à laquelle, par définition, ils n’appartiennent pas. Lors des votations et des élections futures, certains nationaux vont donc s’allier à des étrangers contre d’autres nationaux. En temps de crise profonde ou de guerre, une attitude politique aussi déplorable serait assimilée à de la trahison pure et simple.

Afin d’obtenir ou de conserver des sièges, les politiciens locaux essayeront de s’attirer les bonnes grâces des associations d’immigrés en leur donnant des gages. Au niveau des communes, des dérives apparaissent déjà, comme le montre l’affaire du prêt sans intérêt pour la mosquée de Vevey3. Or, dans le domaine de la flagornerie xénophile, les milieux de gauche, à l’origine de l’initiative, marquent une nette longueur d’avance sur leurs concurrents4. Tôt ou tard, une surenchère de promesses se traduira en subventions et en concessions concrètes, destinées à satisfaire des revendications de type communautariste, telles que la reconnaissance de coutumes particulières ou l’usage de langues non nationales dans l’administration5. Certes le communautarisme, qui représente une forme de tribalisation de la société, n’a pas besoin de l’initiative «Vivre et voter ici» pour exister et se développer. Sous l’appellation pompeuse de «société multiculturelle», il fleurit aujourd’hui dans la plupart des Etats européens à la faveur d’une immigration de masse incontrôlée et de l’incurie des diverses nomenklatura mondialistes au pouvoir, qu’elles soient d’inspiration libérale ou socialiste. Néanmoins, en offrant au communautarisme un tremplin institutionnel, on ne fera qu’en renforcer les effets dévastateurs. A terme, c’est un jeux très dangereux, même pour la gauche qui ne saurait prétendre garder un contrôle définitif de la situation6. En effet, une fois bien insérés dans la politique locale, rien ne prouve que les étrangers «engagés» se confineront toujours dans un rôle de faire-valoir du Parti socialiste ou des Verts. Certains d’entre eux, dont l’idéologie cadre mal avec les moeurs libertaires et la mentalité «gentils ouverts» de ces milieux, chercheront à travailler pour leur propre compte, en fondant des partis ethniques ou religieux plus conformes à leurs aspirations. On peut concevoir sans difficulté l’irruption sur la scène politico-électorale de mouvances analogues au Conseil central islamique suisse, lequel a aujourd’hui pignon sur rue pour diffuser ses thèses extrémistes dans notre pays7.

Loin de se limiter au droit de vote, le texte socialiste prévoit également l’éligibilité des étrangers au niveau cantonal. Cela implique qu’une personne dépourvue de la nationalité suisse pourra siéger au Grand Conseil, accéder au Conseil d’Etat et même représenter la députation vaudoise au Conseil des Etats. Dans ce dernier cas, le député étranger prendra part à l’élection du Conseil fédéral sans pouvoir faire lui-même acte de candidature, celle-ci étant réservée aux seuls citoyens suisses8. Par rapport à ses collègues, on en fait donc un conseiller aux Etats de seconde zone. La dynamique égalitaire suscitée par l’initiative aboutit donc à de nouvelles inégalités, lesquelles justifieront de nouvelles initiatives encore plus égalitaires mais tout aussi absurdes. Néanmoins, cette différence de traitement n’empêchera pas certains étrangers d’accéder à des postes de responsables politiques, dotés d’importantes prérogatives décisionnelles. Rien ne permet d’assurer qu’ils vont se dévouer corps et âme à la défense d’une communauté vaudoise dont ils ont résolument décidé de se tenir à l’écart en refusant la naturalisation. Avec un tel système, un conseiller d’Etat étranger serait habilité à prendre des décisions engageant l’avenir de notre collectivité, perspective qui nous rapproche d’un pays vivant sous occupation; il exercerait aussi une influence déterminante en matière de recrutement du personnel dans son département. Le principe dit de la «discrimination positive», censé promouvoir les «minorités visibles» au détriment des nationaux, pourrait trouver dans ce contexte un terrain très réceptif, naturellement sous prétexte de «favoriser l’intégration»9.

Toutefois, l’aspect le plus odieux de l’initiative du PS et de ses alliés semble avoir échappé à la plupart des commentateurs. Il réside dans le fait que le nouvel article de loi, s’il est accepté, implique une sérieuse dégradation du statut de la communauté vaudoise. De détenteur exclusif de la souveraineté chez lui, dans la mesure où il n’est pas limité par le droit fédéral, le peuple vaudois se trouve réduit à un groupe ethnolinguistique parmi d’autres, dirigé par un gouvernement qui n’émane plus ou plus entièrement de ses rangs. Sur le plan politique, on assiste à une dissociation entre le peuple et son territoire, ce dernier se muant peu à peu en entité purement administrative. L’évolution démographique de ces prochaines décennies risque d’accentuer encore ce phénomène, tandis que la naturalisation, fortement dévaluée, ne peut plus remplir son rôle intégrateur. En d’autres termes, les Vaudois perdent le contrôle de leurs affaires.

 

NOTES:

1 24 heures, 23.07.2011.

2 Dossier dans Patrons, n° 4, 2010.

3 24 heures, 04.06 et 24.06.2011. Même si la proposition a finalement été rejetée à une courte majorité par le Conseil communal, c’est la municipalité de Vevey qui a soumis un préavis dans ce sens, en avalisant les exigences du droit coranique...

4 La collusion entre les partis de gauche (PS, Verts, POP et consorts) et certaines associations d’étrangers est patente: il suffit d’examiner la composition du comité d’initiative qui figure au bas des listes de signatures. On y trouve aussi quelques spécimens issus du camp bourgeois, ceux que la terminologie marxiste appelle justement «les idiots utiles».

5 A cet égard, on se rappelle la fameuse proposition du professeur Christian Giordano, parue dans un bulletin de la très officielle Commission fédérale contre le racisme, de reconnaître en suisse des juridictions religieuses spécifiques – donc la charia –, au nom du pluralisme juridique (Swissinfo, 19.01.2009; Le Temps, 24.01.2009).

6 En Belgique, où les étrangers votent au niveau communal, un nationaliste turc lié aux Loups gris a réussi à se faire élire sur la liste du PS de Schaerbeek, en 2006. L’infiltration d’éléments allogènes douteux dans les partis locaux n’est pas exceptionnelle dans ce pays rongé par la gangrène communautariste. La promotion tous azimuts de candidats d’origine étrangère a pour objectif avéré de drainer les «votes ethniques» (voir le site d’information de la Belgique francophone: www.lesoir.be).

7 Même si la question des musulmans et celle des étrangers sont deux choses distinctes, notamment en raison de la conversion de citoyens suisses à l’islam, l’expansion de cette religion en Suisse s’explique avant tout par l’immigration.

8 Préavis du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur l’initiative populaire cantonale «Vivre et voter ici», octobre 2010, chap. 2.1.

9 A l’heure actuelle, l’Etat de Vaud dispose d’un Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme, qui n’est pas sans présenter quelque analogie avec le Bureau vaudois de l’égalité entre les femmes et les hommes. A cela s’ajoute la Chambre cantonale consultative des immigrés, dont les membres sont nommés par le Conseil d’Etat (www.vd.ch/fr/autorites/departements/dint/population).

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