Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Adjectifs

Jacques Perrin
La Nation n° 1922 26 août 2011
«Pour les adjectifs, vous viendrez me voir»: telle est l’injonction adressée à ses apprentis journalistes par le rédacteur en chef d’un quotidien parisien, irrité de leur propension à truffer leurs papiers de qualificatifs inutiles.

Le verbe à la voix active est le nerf de la phrase. Un sujet, un verbe et un complément forment un énoncé qu’on peut vérifier et discuter. Les adjectifs traduisent les sentiments du locuteur. Ils chargent la phrase affectivement.

Mme Lyon a décidé de noyer le débat scolaire dans une mare manichéenne d’adjectifs afin que personne ne s’intéresse de trop près au contenu des propositions figurant dans l’initiative.

D’un côté se dressent les gentils adeptes du contre-projet LEO. La LEO est «juste», «cohérente», «stimulante», «efficace», «exigeante», «subtile», «souple», «compatible» (avec Harmos), reposant sur un consensus évidemment «large». Elle défend les élèves qui appartiennent tous à une jeunesse «magnifique», «forte», «courageuse», «engagée». Mme Lyon rencontre dans la rue des gens «ouverts» et «réceptifs». En cas d’échec «stimulant» devant le peuple, elle se livrera à une analyse «sereine».

Face à Mme Lyon grouillent les méchants partisans de l’initiative Ecole 2010 qualifiée de «simpliste», «caricaturale», «bricolée», «incohérente», «inefficace», «injuste», «moyenâgeuse», «réactionnaire».

Les partisans de l’initiative (notamment les professeurs!) ne peuvent être considérés comme de véritables «acteurs de l’école».

Une quinzaine de maîtres de l’école d’Aubonne où travaille le soussigné soutiennent l’initiative. Méritent-ils les épithètes dont on les affuble?

Non, ils ne sont pas «marginaux», au contraire. Ils bénéficient tous d’une solide expérience. Personne, pas même le Département, n’a jamais voulu leur peau; ils ne sont sans doute pas parfaits, mais font leur métier comme il faut. Ils ne professent pas un élitisme «infatigable» et «étrange». Ils suent sang et eau pour que chaque élève donne tout ce qu’il peut en fonction d’exigences précises. Ils ne sont pas «ségrégationnistes» et ne méprisent personne. C’est bien mal les connaître que d’imaginer qu’ils «refusent la culture» aux VSO, mais ils sont assez lucides pour ne pas dissimuler la difficulté de l’entreprise; ils organisent voyages et activités extrascolaires ouverts à tous. Ils entretiennent des rapports respectueux avec des enfants de toutes origines. Aucun nostalgique de l’apartheid ne figure parmi eux, certains ont même une «sensibilité de gauche»! Ils aiment leur profession, ne sont donc ni «chagrins» ni «vindicatifs» (de quoi voudraient-ils se venger?). Aucun d’entre eux n’appartient aux milieux «créationnistes».

Mme Lyon et quelques-uns de ses amis sont de grands sentimentaux. Ils s’émeuvent aux larmes, paraît-il, de toutes sortes d’injustices et voient des victimes partout. Ils veulent apprendre aux enseignants à «aimer» les élèves.

Quand cesseront-ils donc de disqualifier leurs adversaires à tout propos sous prétexte que ceux-ci n’appartiennent pas à des cercles (SPV ou APE) agréés par le pouvoir scolaire? Ils prêcheraient ainsi le respect… par l’exemple.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: