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N’oublions pas la villa d’Orbe!

Félicien Monnier
La Nation n° 1930 16 décembre 2011
Au IIIe siècle ap. J.-C. s’étendait sur le Plateau de Boscéaz, à l’entrée d’Orbe, une opulente villa romaine. Aujourd’hui, neuf superbes mosaïques témoignent de la grandeur de la civilisation dont un représentant avait élu domicile au-dessus de la Plaine de l’Orbe. Les spécialistes sont unanimes pour admettre le caractère unique de cet ensemble artistique; on parle de l’un des plus beaux au Nord des Alpes.

Ces mosaïques, ainsi que les maigres infrastructures qu’elles habitent, sont propriété de l’Etat de Vaud. Et ces infrastructures ne sont pas à la hauteur du trésor qu’elles doivent protéger. Quatre pavillons en brique construits au début du XXe siècle recouvrent les mosaïques ouvertes au public. Un pavillon en bois protège depuis 1993 la perle de la villa: «Achille sur les Remparts»; Achille, fuyant ses responsabilités et ne voulant pas aller se battre à Troie, est recherché par Ulysse sur l’île de Skyros. Ce n’est qu’à l’occasion de rares portes ouvertes que le public a pu l’admirer. Enfin, un pavillon récupéré de la construction de l’autoroute A1 à Yverdon1 accueille les visiteurs. Son acquisition est due à la commune d’Orbe qui a pour l’occasion accepté de prêter 200’000 francs à la Fondation Pro Urba. Ce pavillon permet enfin de recevoir dignement les visiteurs, lesquels ne sont plus obligés de s’entasser dans une cabane de chantier comme cela a longtemps été le cas.

On l’aura compris, du pavillon de bois au pavillon d’autoroute, c’est du «provisoire qui dure», mais qui commence surtout à trop durer.

Aujourd’hui, la gestion du site est entre les mains de la Fondation Pro Urba, qui réunit des bénévoles amoureux de leur région et passionnés d’archéologie romaine. Avec le soutien remarquable de la commune d’Orbe et de quelques députés au Grand Conseil, ils tentent de proposer depuis plus de quinze ans des idées de mise en valeur du site de la villa romaine. A côté de leurs réflexions et propositions, c’est aussi dans les marchés de Noël qu’ils obtiennent des financements, et de leurs mains qu’ils repeignent le pavillon d’accueil…

Pour des raisons que la conjoncture économique défavorable des années 2000 peut en partie expliquer, un important projet a déjà été abandonné en 2006 par le Conseil d’Etat, après préavis défavorables de deux services fédéraux, rappelons- le. Le gouvernement daignera néanmoins donner 30’000 francs à Pro Urba pour «développer son projet».

Plus récemment, un groupe de réflexion constitué entre autres de représentants des autorités municipales et cantonales ainsi que de membres de la Fondation Pro Urba a abouti à un projet de développement pragmatique et mesuré. Par voie de postulat, le député Denis-Olivier Maillefer a demandé au Conseil d’Etat de se positionner clairement sur ce projet mais surtout sur la situation actuelle d’un dossier véritablement enlisé. Subsidiairement, il a demandé à l’Etat de participer aux frais engagés par la municipalité dans l’acquisition du pavillon d’accueil.

Le Conseil d’Etat a donné sa position à l’occasion de ses réponses aux postulats liés au vote du budget en décembre. Elle est laconique. En moins de dix lignes, il déclare que les infrastructures, estimées à un peu plus de 4 millions de francs, ne constituent pas une «mission prioritaire de l’Etat». Il rappelle que les priorités de la culture vaudoise sont le Musée cantonal des Beaux-arts et le Musée romain d’Avenches. Il conclut qu’ayant déjà déboursé 30’000 francs il y a six ans, il n’entend pas participer aux frais de la commune.

On peut déjà imaginer les arguments du Conseil d’Etat, qui en appellera à la vue d’ensemble que lui seul peut avoir des questions de développement culturel. Avec une certaine pertinence, il arguera que les mosaïques ne constituent pas les seuls investissements imaginables et demandés.

Mais là n’est pas seulement la question. Il est temps que notre gouvernement donne un signe au Pays de Vaud que l’arc lémanique n’est pas le seul à compter. Il est certain que l’attention du Canton ne va pas tarder à se focaliser sur le futur musée cantonal des Beaux-arts. Avant que ce grand débat ne recommence, rappelons l’unité territoriale, culturelle et politique de notre Canton. Pour Boscéaz, un projet existe. La mise en valeur des mosaïques d’Orbe constitue l’occasion inespérée de donner ce signe.

 

NOTES: 1 Certains se souviendront du pavillon polygonal qui occupait l’échangeur d’autoroute d’Yverdon, dédié aux vestiges archéologiques des bords du lac. C’est celui-ci qui a pu être récupéré.

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