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Quel avenir pour la place financière suisse?

Olivier Klunge
La Nation n° 1947 10 août 2012

On l’a vu1, les accords Rubik et les pressions d’Etats au bord de la faillite vont faire disparaître les avoirs non déclarés de clients étrangers dans les banques en Suisse.

A combien estimer la diminution d’activité pour notre place financière? Il est difficile de le chiffrer. En recoupant diverses sources, on parvient au calcul suivant. La gestion de fortune en Suisse se répartit entre la gestion pour des clients institutionnels (caisses de pensions, entreprises, fonds de placements) et privés; la première catégorie représente environ deux tiers du total des avoirs gérés. Il s’agit intégralement d’argent déclaré. Parmi les avoirs de la clientèle privée, une grosse moitié appartient à des Suisses. Sur les avoirs détenus par des étrangers (gestion offshore), entre une moitié et deux tiers proviennent, directement ou indirectement, de ressortissants de l’union européenne et des Etats-unis. La part non-déclarée de ces avoirs est naturellement la plus difficile à chiffrer. Aujourd’hui, les estimations oscillent entre 60% et 80%.

Ainsi, la part concernée par la fin du secret bancaire fiscal des avoirs en gestion de fortune dans les banques helvétiques doit représenter entre 5% et 10% du total. Ce n’est pas la fin de la place financière, mais c’est un trou colossal difficile à combler (sans compter les secteurs bénéficiant de ce marché de l’argent au noir: hôtels et boutiques de luxe, fiduciaires, avocats).

Nous assistons donc à la fin d’une époque pour la place financière suisse qui sera particulièrement douloureuse pour les petits et anciens établissements bancaires spécialisés dans la gestion de fortune de riches familles étrangères. Si elle veut maintenir sa force, ses emplois et son attrait, la place financière suisse doit donc développer de nouvelles activités, peut-être jadis négligées devant les juteux bénéfices de la gestion privée offshore.

Il serait illusoire de penser conserver une part, si ce n’est minime, des avoirs non-déclarés de clients européens ou américains. D’autres Etats (îlots du Pacifique, des Caraïbes ou de la Manche, Singapour ou Emirats Arabes unis) se réjouissent d’accueillir discrètement leurs comptes, parfois auprès de filiales des établissements dans lesquels ils étaient placés dans notre pays.

La Suisse, par la sécurité politique et monétaire qu’elle connaît, reste certes très attrayante pour d’autres grandes fortunes étrangères connaissant des fiscs moins regardants ou moins gourmands: ressortissants arabes, russes ou de pays émergents.

Mais un domaine surtout présente des possibilités de croissance importantes: la gestion de placements collectifs (ou fonds de placements). Les clients institutionnels comme privés sont de plus en plus friands de ces véhicules de placement permettant une diversification des investissements et le choix de stratégies de placement très variées, tout en conservant une meilleure liquidité que les placements directs. Ce secteur demande de nombreuses compétences (et autant d’emplois) pour la gestion, l’administration, le dépôt, la surveillance et la promotion des fonds de placements, SICAV et autres SCPC.

Par une politique fiscale défavorable, la Suisse s’est toujours privée de ce secteur d’activité. Les banques suisses créent traditionnellement des fonds au Luxembourg ou dans des lieux plus exotiques. Londres et le Luxembourg sont, en Europe, les acteurs prépondérants dans ce domaine. Les nouvelles taxes britanniques sur le revenu et la politique fiscale européenne qui s’annonce font fuir les acteurs de ce marché. La Suisse a donc une carte à jouer.

Pour attirer les gérants étrangers, rapatrier les activités des banques suisses et encourager l’émergence de nouveaux acteurs domestiques, quelques mesures fiscales sont certainement nécessaires. Il s’agirait en particulier d’abolir ou limiter le droit de timbre et trouver un mode d’imposition attrayant pour l’intéressement aux plus-values (carried interest).

L’essentiel serait cependant de mettre en place un environnement favorable à la gestion collective de capitaux. Ce n’est malheureusement pas le cas actuellement. En effet, la FINMA, autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, a une politique très restrictive en la matière, justifiée par une volonté tatillonne de défendre les intérêts des investisseurs.

La FINMA impose ainsi aux gestionnaires, promoteurs ou administrateurs de placements collectifs suisses, ainsi qu’aux distributeurs suisses de placements étrangers, des exigences en matière d’organisation, de règles de placement et de distribution nettement plus élevées et précises que les principales places financières (dites Swiss finish). La longueur des procédures est également un frein important: alors qu’il faut compter quelques semaines pour autoriser un nouveau véhicule au Luxembourg, en Suisse il faut plutôt compter en mois.

Une révision de la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC) est en cours. Le Conseil des Etats a apporté plusieurs modifications au projet de l’administration présenté par le Conseil fédéral, qui vont dans le sens d’un allégement du carcan réglementaire. Cela ne sera pas suffisant sans un changement de mentalité de l’autorité de surveillance qui doit intégrer dans ses buts la promotion de la place financière suisse à côté de la défense des investisseurs. Nous espérons que la FINMA et la Suisse sauront saisir cette chance de renforcer et développer notre place financière dans un domaine d’avenir.

Notes :

1 Cf La Nation no 1945 du 13 juillet 2012.

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