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Nationalité et citoyenneté

Denis Ramelet
La Nation n° 1938 6 avril 2012

Lors de notre entretien du mercredi 14 mars, M. Raphaël Mahaim, député écologiste au Grand Conseil, qui avait soutenu l’année passée l’initiative en faveur du droit de vote des étrangers sur le plan cantonal (rejetée par deux tiers des votants), est venu nous exposer ses arguments, loin de toute échéance électorale.

Dans son exposé très clair, il a séparé les arguments politiques ou plutôt politiciens (les étrangers votent-ils plutôt à gauche?) et les arguments institutionnels, qui seuls nous intéressent ici. Son argumentation institutionnelle repose sur la distinction entre la «nationalité suisse» et la «citoyenneté vaudoise»: rien n’empêche le Canton de Vaud d’accorder la «citoyenneté», c’est-à-dire les droits politiques, sur le plan cantonal à des personnes n’ayant pas la «nationalité» suisse.

Cet emploi des termes «nationalité» et «citoyenneté» nous paraît prêter à confusion. Pour y voir plus clair, commençons par examiner ce qu’il en est dans un Etat unitaire, c’est-à-dire non fédératif, comme la France d’aujourd’hui ou une cité grecque antique. La nationalité, c’est l’appartenance à la communauté nationale, le fait d’être Français ou Athénien, et pas simplement le fait de résider en France ou à Athènes. La citoyenneté, quant à elle, c’est le fait d’être citoyen, de jouir des droits politiques dans un Etat démocratique. La citoyenneté est un attribut de la nationalité dans un Etat démocratique1. Remarquons que cette attribution n’est pas absolument nécessaire: les mineurs sont des nationaux sans être des citoyens. De même, il serait logique que les nationaux établis à l’étranger voient leur citoyenneté suspendue aussi longtemps qu’ils restent établis hors du territoire national. Selon nous, la nationalité est donc, dans un Etat démocratique, une condition nécessaire, bien que non suffisante, de la citoyenneté.

Les choses se compliquent doublement quand on passe au système fédératif suisse: d’une part à cause des deux niveaux de pouvoir (cantonal et fédéral), d’autre part parce que le droit positif n’est pas tout à fait ce qu’il devrait être aux yeux des fédéralistes que nous sommes. En effet, en l’état actuel des choses, il y a un passeport suisse mais pas de passeport cantonal.

M. Mahaim en conclut qu’il y a donc une nationalité suisse mais pas de nationalité cantonale. Du point de vue du droit positif, c’est exact: il y a une «nationalité» suisse et seulement un «droit de cité» cantonal ou «indigénat». Cependant, du point de vue de la nature profonde de la Confédération helvétique, c’est presque l’inverse: la Suisse (comme l’Union européenne) n’étant pas un Etat-nation mais une confédération d’Etats-nations, il y a une nationalité originaire cantonale, avec son attribut de citoyenneté, et une nationalité dérivée suisse (du fait de l’appartenance du canton à la Confédération), elle aussi avec son attribut de citoyenneté. Chaque Suisse a donc en quelque sorte deux nationalités, l’une cantonale (originaire) l’autre suisse (dérivée), ainsi qu’une double citoyenneté cantonale et fédérale, puisqu’il jouit des droits politique tant sur le plan cantonal que sur le plan fédéral.

Les choses seraient peut-être plus claires dans la tête de gens si les journalistes arrêtaient de qualifier de «nationale» telle ou telle réalité suisse (souvent une réglementation…) qui devrait en réalité être qualifiée de «fédérale».

 

NOTES:

1 Les ressortissants d’Etats non démocratiques, par exemple les Chinois ou les Saoudiens, ne sont pas au sens strict des citoyens.

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