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Pas à moins de trois heures de pirogue

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 1985 24 janvier 2014

Lorsque j’ai acheté cette tablette de chocolat noir, j’ai cédé à cette information engageante imprimée en impérieuses lettres de bronze sur le tiers de l’emballage: Noir 85%. Je n’ai pas trop fait attention à la marque, «alter eco», sous-titrée «bio & équitable».

Une édifiante littérature commence au dos de la plaque: UN CHOCOLAT PAS COMME LES AUTRES! «Le cacao de cette tablette provient de la coopérative Acopagro, située en plein cœur de l’Amazonie péruvienne. Cristian est producteur de cacao au sein de la communauté Pucalpillo, à trois heures de pirogue de Juanjui. Dans sa famille, tous sont impliqués dans la culture du cacao biologique et engagés dans un système agro-forestier.»

La photo nous montre Cristian, élégant trentenaire en polo lie de vin, le visage aquilin, la bouche entr’ouverte. Une large main épatée dessine un geste bénisseur presque pontifical. François et, ce sont nos amis d’Amérique du Sud.  comment? Eh bien, euh, c’est sans importance, puisque c’est un copain à nous, qui défend les mêmes valeurs, au fond de l’Amazonie. D’ailleurs si on allait lui rendre visite, après trois heures de pirogue (sans compter l’avion), il nous accueillerait avec une grande fête organisée par ses amis Pucalpillos. On se peindrait le corps, et on danserait comme des fous toute la nuit autour du feu, avant de sombrer dans un juste sommeil sous une paillote. Vous n’y croyez pas? Vous n’avez jamais vu Un Indien dans la ville avec Thierry Lhermitte? C’est comme ça que ça se passe là-bas.

Mais est aussi un garçon sérieux et responsable. Pendant qu’on récupère des ivresses nocturnes à l’ombre du bienfaisant feuillage d’un bananier, d’un ficus ou d’un palétuvier rose, il parcourt depuis longtemps la forêt, car il est aussi «un expert des plantes tropicales et des espèces médicinales». Il récupère «les graines de différentes espèces natives afin de les cultiver dans la pépinière communale. celles-ci deviendront bientôt des plantons, puis des arbres, que les producteurs sèmeront au sein même de leurs parcelles agricoles, apportant ainsi aux cacaoyers l’ombre dont ils ont besoin pour se développer et produire des fruits de qualité.»

Avec une pareille conscience écologique, pas étonnant que fasse grimper les valeurs de l’alterecomètre ©, chiffres à l’appui. (Par exemple, +23% de revenus supplémentaires pour la coopérative). Ses mérites sont bien sûr reconnus par des organismes internationaux. Le chocolat est labellisé Fair Trade Max Havelaar, certifié AB agriculture Biologique, et même CH-Bio-006. Le carton d’emballage est un «produit compensé carbone» (?) et répond aux sévères normes FSC. c’est le moins qu’un consommateur soucieux de préserver la planète puisse exiger. Pourtant on renonce à comprendre les 3,6% d’indice environnemental, liés à l’effet de serre et à la pollution aquatique. Il faut consulter un site internet et on commence à avoir faim. Mais il semble que trois virgule six pour cent, c’est très bien: «ils» ont accompagné cette performance d’une éloquente feuille verte. Que dire en revanche des 195g d’empreinte co2 pour une modeste tablette de 100g? Presque le double d’empreinte co2! Pas bien.

Et la dégustation de ce chocolat? Eh bien, c’est une heureuse surprise: la texture est fine, délicatement fondante; le goût, puissamment fruité, est soutenu par des tanins discrets. Le secret de cette excellence est écrit en petites lettres: chocolat fabriqué en Suisse.

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