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Mangez des pommes… numériques!

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2078 1er septembre 2017

La presse romande – ou ce qu’il en reste – a manifestement bien retenu la leçon de notre chronique du 4 août dernier: les éditorialistes parlent un peu moins de digitalisation et beaucoup plus de numérisation. Nous écrivons «beaucoup plus» parce que c’est vraiment beaucoup plus: ils en parlent désormais chaque jour, partout et à propos de tout. La mode de la rentrée, c’est la numérisation, qui est devenue un véritable mantra scandé dans chaque article, dans chaque prise de position, dans chaque tweet et dans chaque esquisse de simili-réflexion. La numérisation est désormais un horizon indépassable, un univers fermé, une référence ultime qui éclipse définitivement tout ce qui a fait la vie des êtres humains depuis la Création – une Création non numérique, soit dit en passant, et donc totalement anachronique.

«Anachronisme», c’est le mot employé par la jeune secrétaire générale du PLR cantonal pour critiquer l’ajout d’une nouvelle période d’histoire dans le programme scolaire des petits Vaudois. A son âge, on sait déjà que l’avenir n’a pas besoin d’histoire, mais uniquement d’un «renforcement de l’informatique».

A l’ère de la numérisation, la nourriture intellectuelle ne sert plus à rien, et même la nourriture physique semble devenue superflue. Dans Le Temps, Mme Lise Bailat exprime tout le mal qu’il faut penser de la politique suisse en matière de fret maritime et de garantie d’approvisionnement: «La Suisse, en 2017, dispose d’un Office fédéral pour l’approvisionnement du pays […] mais d’aucune structure aussi organisée en matière de cyberdéfense ou encore de numérisation de l’économie […].» Dans L’Agefi, M. Fathi Derder attaque directement le «tout puissant lobby agricole» (sic) coupable d’empêcher la Suisse d’accéder à la téléphonie 5G, mais aussi de ravir aux hautes écoles une partie du budget fédéral. (Soyons honnête: M. Derder n’accuse pas seulement le lobby agricole, mais aussi le fédéralisme, qui empêche Berne d’imposer «la culture numérique dès l’école primaire».)

Les enfants d’aujourd’hui, habitués à pianoter sur des smartphones et à surfer sur internet, n’auraient-ils pas besoin qu’on leur apporte ce qu’ils n’ont pas: de la culture (non numérique), de la réflexion, de l’histoire? Non !, répondent les urbains branchés, on va les gaver d’informatique et de vidéos et en faire des geeks hagards et dépendants de leurs écrans, afin qu’ils ne dépassent pas le niveau de leurs parents. Mais peut-on au moins leur donner à manger? Non plus ! Les pommes, c’est juste pour faire des calculs et pour servir de logo sur des ordinateurs.

A l’ère de la numérisation, plus besoin d’approvisionnement autre que la 5G! Plus besoin de nourriture et de paysans! Plus besoin de journaux et de partis politiques! (Ça c’est nous qui l’ajoutons…) Big Data vous nourrira!

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