De Florian aux yos du 1010, quarante-cinq ans de progrès
Il existe au moins une bonne raison d’apprécier la Radio-télévision suisse romande: ce sont ses archives. Parmi les perles qui ressortent et qui tournent sur les réseaux sociaux, on a pu tout récemment se régaler d’un reportage de 1974 intitulé «Vivre à Praz-Séchaud»1. Avec les images de cette banlieue construite il y a quelque cinquante ans, de ces barres d’immeubles sans charme qui sortaient de terre un peu partout, mais aussi d’une autoroute bordée essentiellement de champs et de campagne, on retrouve avec nostalgie l’ambiance de ces années qui, avec du recul, apparaissent si agréables et calmes.
Nous ne sommes manifestement pas seul à ressentir de la nostalgie en regardant ce reportage, et surtout en écoutant Florian, le jeune garçon d’une douzaine d’années qui raconte sa vie quotidienne dans ce quartier – avec un accent vaudois assez éloigné de celui des cités d’aujourd’hui. Les personnes qui ajoutent des commentaires sur les réseaux sociaux font unanimement le même constat: comme ce garçon parle bien! quelle richesse de vocabulaire ! quelle capacité à ordonner ses idées et à les exprimer clairement, à réfléchir sur la réalité qui l’entoure ! Dans son récit calme et posé, des observations originales, un constat d’inégalités croisées avec les enfants du quartier voisin de Valmont («ils sont plus riches mais nous sommes plus nombreux»), mais aucune revendication sociale – à part le désir de jardins à proximité des immeubles – ni aucun militantisme en faveur d’une cause mondiale.
On goûte aussi le film, avec ses longs silences, ses plans lents, parfois fixes! Pas de musique ni de jingle, pas d’enchaînements haletants, d’images saccadées. Pas de commentaires orientés pour «décrypter» le sujet.
Florian est un pur produit de l’école de grand-papa, filmé par la télévision de grand-papa dans une banlieue de grand-papa. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, le style grand-papa séduit encore beaucoup de gens à notre époque. Peut-être est-ce utile de le signaler puisque nous sommes en année électorale et que des ribambelles de candidats cherchent désespérément ce qui pourrait plaire à leurs électeurs.
1 https://www.rts.ch/archives/tv/information/courrier-romand/10463115-vivre-a-praz-sechaud.html
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- † Georges Perrin – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Vallée de Joux – Jean-Michel Henny
- Génie d’une femme impossible: Marguerite Burnat-Provins – Bertil Galland
- Périphériques – Arnaud Picard
- Cent ans de Jeunesses, cent ans d’amitié vaudoise – Félicien Monnier
- Comme le feu couvant sous la cendre – Yannick Escher
- Divers, égal, différent, unique – Jacques Perrin
- Occident express 31 – David Laufer