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Qui sommes-nous?

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2177 18 juin 2021

Les questions posées ces derniers jours par les médias au nouveau président de la Ligue vaudoise concernent surtout nos idées. Sommes-nous réactionnaires ou conservateurs? Où bloquons-nous le «curseur» entre le militarisme et le pacifisme, entre le libéralisme économique, le service public et la planification étatique, entre le climato-scepticisme et la collapsologie, entre le mariage traditionnel, le pacs et le mariage pour tous, entre le «droit à la vie» et l’avortement libre, entre le particularisme nationaliste et l’universalité de la philosophie naturelle ou des droits de l’homme, etc.?

Quant à nos accointances internationales, sommes-nous plus proches du catholique et maurrassien Patrick Buisson que d’Eric Zemmour, républicain et bonapartiste, ou de Marine Le Pen ou de Jean-Pierre Chevènement, souverainiste de gauche? Que pensons-nous du site lesobservateurs, de la revue Causeur, de Valeurs actuelles, d’Eléments ou encore du mensuel d’Action française Le Bien commun? Nous reconnaissons-nous dans la mouvance populiste et antimondialiste qui déferle sur une bonne partie du monde?

Ces questions sont légitimes, mais on nous les pose comme si nous étions unthink tank de droite tout récemment créé. Elles tiennent pour rien l’action immersive du temps, la stratification des événements, la succession des générations, ainsi que les modifications substantielles, internes et externes, que le simple fait de durer a apportées à notre mouvement hors-parti.

C’est au fil du temps, le temps qu’on vit personnellement et celui des livres d’histoire, qu’on saisit à quel point le pays existe par lui-même, indépendamment des représentations qu’on s’en fait, des idées sur le type de pouvoir qui lui conviendrait, des moyens qui permettraient de s’en emparer. Comme tous les pays, le Canton de Vaud livre obstinément sa lutte vitale pour «persister dans l’être».

On pourrait aller jusqu’à dire que la naissance et la perpétuation de la Ligue vaudoise ne sont qu’une expression particulière de cette lutte. Nous sommes un contrepoison sécrété par un pays vaudois menacé, une réaction naturelle aux insuffisances du monde des partis. De même, la lutte fédéraliste de la Ligue vaudoise manifeste la volonté du Pays de Vaud de conserver, comme tout être vivant, son autonomie par rapport aux envahisseurs et aux prédateurs. Nous sentons, en dessous et au-dessus de nous, pulser lentement ce mouvement profond de la communauté politique. Le fait que nous puissions y participer engendre chez nous un sentiment double de fierté et d’humilité.

Le temps permet d’approfondir sa doctrine, de la tester au cours d’événements dont les conséquences s’imposent à tout esprit raisonnable, d’en discerner les faiblesses et de les combler. Certains aspects, liés aux modes de l’époque, disparaissent, d’autres se font jour, s’approfondissent, se ramifient.

Bien entendu, le temps, s’il n’est pas vécu organiquement mais subi mécaniquement, peut aussi être celui de la lassitude et de l’abandon, celui aussi de la sclérose. La Nation nous donne tous les quinze jours l’occasion de confronter notre doctrine aux exigences de la réalité, de la rafraîchir et de la relancer.

Le temps crée la confiance, même entre adversaires. A force de combattre un adversaire stable et persistant dans ses erreurs, on finit, presque malgré soi, par lui accorder un minimum de confiance, plus en tout cas qu’à un allié aux certitudes flageolantes.

Au fil du temps, nous avons dû admettre que certaines personnes éloignées de nous avaient raison, et même plus raison que nous sur un point ou un autre. En ce sens, le dialogue entre adversaires est un investissement politique productif. C’est l’une des fonctions de nos Entretiens du mercredi. Rares sont ceux qui rechignent à y participer.

Et, sous les confrontations d’idées, se nouent des liens imprévus. Ils rectifient la vision, pondèrent les paroles et les écrits, ritualisent les désaccords, suscitent des actions communes, débouchent parfois, à la longue, sur une forme d’amitié politique. C’est là une façon efficace de résoudre la contradiction propre aux mouvements qui, cherchant l’unité nationale, en font un motif supplémentaire de division. Nos fondateurs, qui, à l’époque polémique de leurs débuts, se proclamaient eux-mêmes «réactionnaires», ont toujours tendu à cette espèce d’unité qui englobe et dépasse les conflits d’idées… sans pour autant renoncer à proclamer la pertinence de leurs critiques fondamentales à l’égard du régime.

La Ligue vaudoise n’est pas, n’a d’ailleurs jamais été un simple mouvement d’idées. C’est, depuis bientôt nonante ans, une communauté de personnes jeunes et vieilles, travaillant bénévolement au bien commun vaudois, conservant le souvenir reconnaissant de ses membres défunts. Nous ne sommes pas un lobby ou un groupe d’influenceurs, nous sommes une partie du paysage vaudois, une pièce du dispositif politique d’ensemble. C’est sous cet angle qu’il faut nous poser les questions et que nous donnons les réponses les plus pertinentes.

Notes

1  Lesquels reprendront en septembre prochain.

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