A la découverte de quelques communes oubliées
A défaut de maîtriser toutes les subtilités de la démocratie directe, vous êtes sans doute habitués à voir passer ces feuilles de signatures où des comités récoltent les noms et adresses des personnes qui acceptent d’appuyer leur demande en vue d’une votation populaire. Ce que vous ignorez peut-être, mais que des études très récentes et très scientifiques attestent de façon irréfutable, c’est qu’entre 15 et 20% des citoyens sont incapables de remplir correctement ces formulaires.
Ignorent-ils donc dans quelle commune ils habitent? Savent-ils seulement qu’ils résident dans une commune? Pensent-ils vraiment qu’il n’existe qu’une seule «avenue de la Gare», qu’une seule «rue du Lac» dans tout le Canton? Toujours est-il que la première rubrique de la feuille, la toute première, centrale, dominante, énorme (pour ne pas dire gigantesque), intitulée précisément «commune», reste désespérément vide lorsque, tout fiers d’exercer leurs droits civiques, ils remettent la précieuse carte aux bons soins de la Poste, qui y appliquera le sceau du centre de tri cantonal, rendant illusoire toute identification du lieu d’expédition. Le factotum du comité d’initiative n’aura plus qu’à se plonger dans un annuaire pour tenter de retrouver le «Pierre Martin» ou la «Valérie Ferreira» qui se sont peut-être imaginé, de bonne foi, que la rubrique «commune» était réservée au greffe municipal (d’un lieu à deviner) – à l’inverse de ceux qui s’appliquent à calligraphier leur patronyme dans la case où le greffe municipal est censé attester du nombre de signatures valables.
Certains férus d’enquêtes policières vous livrent un indice sous la forme d’un bout de numéro postal, quelquefois d’un numéro postal complet (alléluia!) en oubliant toutefois que Prilly et Jouxtens-Mézery, par exemple, se partagent le même, tout comme Echallens, Villars-le-Terroir et Saint-Barthélemy.
Quelques signataires réalisent l’absurdité de ne pas préciser leur commune de domicile. Alors, de peur de remplir cette intimidante case intitulée «commune», ils ajoutent la précieuse information dans la rubrique prévue pour la rue et le numéro – sous forme de pattes de mouches, vu la place à disposition. Cette fois, pas besoin d’un annuaire pour classer la carte; un microscope électronique suffit.
Reste le cas des personnes – mettons 2 à 3% – qui évitent sciemment d’indiquer le nom d’une commune dans une rubrique unique puisque, éprises de diversité, elles ont décidé de passer outre les injonctions officielles et de panacher la feuille qu’elles nous envoient de contributions d’à peu près tout le Canton. On a le choix entre jeter la carte ou solliciter l’expéditeur pour qu’il repasse le test civique.
Si d’aventure, par pure coïncidence, vous aperceviez une carte de signatures encartée dans l’une ou l’autre de vos publications préférées, pensez à ceux qui devront la classer et la faire valider, et concentrez-vous un peu!1
1 Si vous habitez dans une commune fusionnée, l’indication de la commune politique en supplément ou en lieu et place de la localité vous fera passer pour un bon élève. Mais ce n’est pas obligatoire, les comités d’initiative savent gérer cela.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Coup de rasoir – Editorial, Félicien Monnier
- Occident express 107 – David Laufer
- Un «contrat» bancal – Jean-François Cavin
- Un ouvrage bienvenu sur le Major Davel – Antoine Rochat
- Une voix s’est tue – Vincent Hort
- Subjonctifs et participes – Jacques Perrin
- La théorie de l’assimilation – Olivier Delacrétaz
- 2044: Un million de Vaudois - Deuxième soir du séminaire de la Ligue vaudoise – Baptiste de Christen
- Léviathan numérique – Benoît de Mestral
- Virgile au Grand Conseil – Jean-François Cavin