Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Prêche pour ma paroisse

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2224 7 avril 2023

Le territoire de ma paroisse est jalonné par quatre églises. Celle de Maracon, érigée sur la frontière fribourgeoise à l’altitude préalpine de 900 mètres, est une chapelle blanche et lumineuse. Sur le mur sud de la nef, elle expose un grand Décalogue gravé sur marbre. Offert par le généreux David Chollet, qui vécut de 1753 à 1841, il formule avec truculence le septième commandement: «Tu ne paillarderas point». Il y a quelques jours, lors de la fête des Rameaux, la grande église de Palézieux, bondée, accueillait les jeunes et leurs familles pour le culte de fin de catéchisme. L’église de Châtillens, quant à elle, résiste depuis six siècles à la bise qui décoiffe les fidèles à la sortie du culte. Médiévale et contemplative, elle abrite la veillée de Noël et le culte du Vendredi Saint. Quant à l’église d’Oron, l’une des rares églises ovales du Canton, elle s’apprête à fêter Pâques sous son riche plafond bleu nuit parsemé d’étoiles d’or.

L’assemblée paroissiale de printemps, le 12 mars, nous a fait nous retourner sur l’année écoulée. Il s’est passé mille choses, dans cette paroisse, à commencer par tout ce qui constitue la vie ordinaire de l’Eglise, les cultes dominicaux, répartis entre les quatre temples, le culte du souvenir, celui de l’ouverture du catéchisme, celui de l’installation d’une pasteure et d’un diacre, avec un texte sur l’Avent rédigé et lu par Monsieur le préfet, le culte de l’Abbaye et les cultes des familles. Il y a eu les communions, les baptêmes, les cultes de mariage et les services funèbres. Il faudrait encore énumérer tous les actes individuels, visites des malades, soutien aux familles en deuil, transports des personnes handicapées, etc.

On a beaucoup fait pour incorporer les nouvelles générations dans l’Eglise, le tapis et les jouets dans un coin de l’église pour les tout-petits, l’éveil à la foi pour les plus grands, le culte de l’enfance, puis le catéchisme.

Le ministre, actuellement une jeune diacre, assure la suite de cet enseignement catéchétique par la prédication hebdomadaire, en alternance avec d’autres ministres. Elle anime la vie spirituelle de la paroisse. Le Conseil paroissial lui fournit une aide expérimentée. Ce groupe de six personnes forme, peut-être plus que le ministre, qui ne reste en place que dix ou douze ans, la colonne vertébrale de la paroisse. Il assure un double enracinement, dans le territoire et dans la durée.

Trois groupes de prière, quatre groupes de maison et un groupe «éco-église» se sont réunis régulièrement. L’un de ces groupes est devenu un chœur.

Sur un plan plus administratif, il y a les réunions régulières du Conseil paroissial, l’entretien des temples et des cures, la gestion de l’immeuble que possède la paroisse et dont le loyer lui permet de finir l’année dans les chiffres noirs.

Parce que la paroisse est une entité vivante, toutes ces activités sont intégrées les unes aux autres, répondant ainsi au souci holistique du Conseil synodal. Elles sont aussi en connexion avec l’extérieur, je pense aux cultes avec la paroisse voisine et aux cultes régionaux, ainsi qu’à la représentation au Synode des paroisses et de la région. Et le souci œcuménique n’est jamais absent, ni celui de la mission. Outre la «semaine de prières pour l’unité des chrétiens», il y a des activités communes, notamment caritatives, avec l’assemblée évangélique et l’Eglise catholique: la campagne de Carême, Noël pour tous, la vente des roses, la fête paroissiale avec la participation d’un prêtre, des relations avec Madagascar et La Havane.

Je ne prétends pas décrire un système parfait, loin de là. Je décris simplement une réalité constatable, une communauté paroissiale qui existe concrètement et fonctionne tant bien que mal, comme beaucoup d’autres. Et je sais aussi que certaines paroisses, urbaines et rurales, vont mal, ou très mal, pour toutes sortes de raisons.

Les autorités de l’Eglise s’exaspèrent trop souvent de leur impuissance à mieux établir le contact avec nos contemporains. Elles ne le devraient pas. Nous ne sommes pas les maîtres du jeu. Nous baignons aujourd’hui dans une pensée qui substitue la psychologie et l’histoire à la théologie, le sentimental au surnaturel, et le développement personnel à la pratique religieuse. Cette pensée séduit même des chrétiens.

C’est dire que, dans ce milieu doublement contraire, il faut des efforts énormes et constants pour obtenir des résultats fragiles et peu durables. L’erreur serait de ne juger ces efforts que sur leurs résultats. Ils sont en eux-mêmes une réponse inspirée, un témoignage.

Ce témoignage est l’apport permanent de la paroisse, lieu propre de la vie de foi du fidèle ordinaire, moyen privilégié pour l’exécution décentralisée des décisions de l’Eglise cantonale, base inspirante des fédérations régionales.

Nous attendons de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, qui mène actuellement une réflexion de fond sur sa gouvernance, qu’elle s’applique à renforcer l’autonomie des paroisses, à satisfaire leurs besoins criants en forces ministérielles, à faciliter les activités innombrables qu’elles sont seules à pouvoir mener et que nous venons d'évoquer, trop brièvement.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: