Neutralité quantique

Le principe de non-contradiction interdit d'affirmer et de nier à la fois le même terme ou la même proposition. Exprimé plus simplement: on ne peut pas dire en même temps tout et son contraire. L’encyclopédie Wikipedia révèle que certains philosophes, au cours de l’histoire, ont contesté ce principe – moyennant parfois quelques artifices de raisonnement; elle ne cite en revanche pas la conseillère fédérale Viola Amherd, qui est pourtant une des principales personnalités politiques à réfuter aujourd’hui le principe de non-contradiction.

Mme Amherd a en effet entrepris de nous convaincre que la Suisse peut rejoindre une alliance militaire et rester neutre tout à la fois. Alors que les coopérations entre l’armée suisse et les forces de l’OTAN se multiplient subrepticement depuis deux ans, elle a mobilisé une commission d’experts pour recommander que ces coopérations soient approfondies «en vue d’obtenir une capacité de défense commune et de devenir une véritable coopération de défense» – mais sans adhésion formelle pour préserver une apparence de neutralité. La politique de neutralité, selon ces experts, devra cependant être «révisée» et «appliquée avec plus de souplesse», en tenant compte «de la distinction entre agresseur et victime» (la neutralité consistant alors à choisir soigneusement le camp avec lequel on se bat). La possibilité d’une adhésion pleine et entière à l’OTAN, retenue par une minorité de la commission, est abondamment discutée dans le rapport; ce sera peut-être pour une prochaine étape.

Et à chaque fois, Mme Amherd nous assure avec aplomb que tout cela est compatible avec la neutralité.

La cheffe du département militaire sublime ainsi la physique quantique, en démontrant que notre souveraineté peut se trouver au même moment à Berne, à Washington et à Bruxelles. Elle rassure Schrödinger en affirmant que son chat peut être à la fois neutre et non neutre. Elle revisite Shakespeare en déclamant audacieusement: Etre et ne pas être, telle est la réponse.

A moins qu’il ne s’agisse d’une pratique commerciale assez courante où les propos rassurants qui figurent sur l’étiquette n’ont aucun rapport avec ce que contient le flacon. Peu importe, du moment que les clients achètent.