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Une haute école de théologie?

Olivier Klunge
La Nation n° 1961 22 février 2013

A peine l’idée de créer une Haute Ecole de Théologie romande, regroupant la formation des pasteurs des Eglises réformées et évangéliques, a-t-elle été rendue publique par ses promoteurs regroupés autour des professeurs Jean-Claude Badoux et Shafique Keshavjee, que le Conseil synodal vaudois l’a attaqué avec une virulence incroyable, ne renonçant ni à la caricature, ni aux attaques personnelles les plus perfides.

La question de la formation de nos pasteurs ne mérite-t-elle pas mieux? Les structures en place sont-elles si satisfaisantes? Nous pensons que tant l’évolution de la faculté lausannoise que le nombre de vocations dans l’Eglise vaudoise nous invitent au contraire à réfléchir en profondeur à ces questions.

Force est de constater que la Faculté de Théologie et Science des Religions de l’Université de Lausanne a résolument tourné le dos à la formation académique des pasteurs et à une théologie professante (en existe-t-il d’autres?).1 Les professeurs pasteurs sont en voie de disparition. L’enseignement de la théologie est exclusivement confié à un Collège de théologie dont la direction est assumée par la Faculté genevoise (qui a un statut d’autonomie dont les ressources comme les administrateurs proviennent de l’Etat, de l’Université et de l’Eglise).

D’ailleurs, les derniers étudiants lausannois en théologie se comptent sur les doigts d’une main. Cela signifie que nos futurs pasteurs, même d’origine vaudoise, sont formés à Genève, Berne, Aix-en-Provence ou Strasbourg. Nous sommes persuadés qu’il existe encore de jeunes Vaudois prêts à embrasser la carrière pastorale. Il faut cependant qu’ils trouvent, au moment de leur choix d’études, durant leur cursus académique et au-delà, les encouragements et les soutiens propres à fortifier leur foi et leur vocation. L’Eglise, à tous les niveaux, en assume la responsabilité.

Il est inadmissible que l’Eglise Evangélique Réformée Vaudoise (EERV), qui est (encore?) de loin la plus importante de Suisse romande, ne participe ni ne contrôle plus la formation de ses pasteurs. Il convient donc de réagir et d’étudier toutes les pistes permettant de pallier cette déficience.

Il ne s’agit pourtant pas de brader la formation pastorale. Avec le Conseil synodal, nous estimons que les pasteurs doivent jouir d’une formation théologique très solide, certifiée par un master (anc. licence) en théologie. Il est également vrai qu’il est nécessaire que le futur ministre soit confronté à une critique et une remise en cause intellectuelle des fondements de sa foi. Il n’est cependant peut-être pas inutile non plus que cette foi, mise à rude épreuve dans le monde contemporain, trouve également un appui au sein de son parcours académique.

Dans le cadre des structures existantes, il conviendrait ainsi de s’approcher de la Faculté de Théologie de Genève pour examiner si l’idée d’intégrer non seulement l’Eglise protestante de Genève, mais aussi l’EERV, voire d’autres Eglises réformées et évangéliques est envisageable. Une ouverture de cette faculté à une théologie moins unilatéralement libérale serait une condition incontournable.

L’idée d’une Haute Ecole, autonome de l’Etat, présente aussi des perspectives intéressantes. Rien n’empêche que la formation qu’elle dispenserait soit de haute qualité (l’Ecole hôtelière ou l’IMD en sont la preuve). Les Eglises auraient toute latitude pour définir les exigences académiques et les programmes. La formation spécifiquement théologique des diacres pourrait éventuellement y être intégrée, mettant fin à une dispersion de forces en la matière.

Enfin, cette Haute Ecole pourrait intégrer la formation des pasteurs d’Eglises évangéliques ou issues de l’immigration. Ces Eglises connaissent déjà aujourd’hui au moins autant de fidèles engagés que les Eglises traditionnelles protestantes et gagnent chaque année en importance. Il semble d’ailleurs qu’il existe un intérêt fort pour une telle académie de ce côté.2

Une autre piste complémentaire nous tient à cœur. Nous pensons que la création d’une maison des futurs pasteurs est nécessaire. Il s’agirait d’offrir, en plus du cursus académique strict, un lieu où les étudiants pourraient se retrouver entre chrétiens, participer à une vie de prière (avec des offices), rencontrer des pasteurs et théologiens professants et engagés dans l’Eglise. Il s’agit d’un projet léger et aisément implantable. Il faut un bâtiment avec quelques salles de séjour et de conférences, des chambres pour les étudiants désirant résider sur place et un aumônier pour l’accompagnement et l’organisation.

Ni la pénurie de pasteurs, ni celle des étudiants en théologie n’est une fatalité pour l’EERV. Il faut procéder à une analyse honnête et profonde de la situation et rechercher les solutions réalisables à ce problème. La responsabilité première en incombe au Conseil synodal. S’il veut prendre cette tâche essentielle au sérieux, il ne peut ni accepter sans autre le projet (d’ailleurs en construction) de Haute Ecole, ni le rejeter d’un revers de manche.

Notes

1 Cette politique est sans doute justifiée pour sauver les postes et l’existence de la faculté au sein de l’UNIL. L’EERV n’a pas à se solidariser avec cette manœuvre qui a mis de côté ses besoins et ses intérêts.

2 Le site de la Fédération romande des Eglises Evangéliques consacre plusieurs pages à ce projet: www.lafree.ch/index.php/fr/hauteecole.html.

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