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Banques suisses, les raisons de lutter

Vincent Hort
La Nation n° 1961 22 février 2013

En fin d’année dernière, Mme Marie-Hélène Miauton, fondatrice de l’institut de sondage MIS Trend et chroniqueuse régulière au journal Le Temps, a publié un essai intitulé Banques suisses, les raisons de lutter. Lettre ouverte au peuple suisse. Il faut reconnaître à Mme Miauton un certain courage pour défendre les banquiers – plus exactement la place financière suisse – par les temps qui courent. Pour un peu, cette lettre ouverte aurait aussi pu s’intituler Indignez-vous! si le titre n’était pas déjà pris.

Car c’est bien l’indignation qui sourd à chaque page de cet ouvrage. Indignation contre l’hypocrisie vertigineuse des critiques de nos «partenaires» européens et américains. Indignation contre l’auto-flagellation servile des médias et de l’intelligentsia. Indignation contre la confiance trahie lorsque les noms des clients et désormais des employés de banque sont livrés au fisc américain. Indignation contre le manque de combativité du Conseil fédéral. En s’adressant directement aux citoyens helvétiques, Mme Miauton entend réveiller le sentiment de résistance face aux attaques d’une véritable guerre économique menée agressivement contre la Suisse.

Il n’est pas contestable que certaines banques suisses ont contrevenu aux législations nationales des pays dans lesquelles elles opéraient, ce qui explique les difficultés qu’elles rencontrent aujourd’hui. Cela dit, les pays qui mettent si volontiers la Suisse en accusation seraient bien inspirés d’examiner leurs propres pratiques. Exemples à l’appui, Mme Miauton démontre que la Suisse dispose non seulement d’une législation bancaire très sophistiquée mais qu’en plus, elle l’applique avec sérieux et diligence. Tel n’est pas le cas de la City, du Delaware ou des îles anglo-normandes, sans que ces places financières, ni toutes les autres, n’aient à encourir la même vindicte. Pour l’auteur, il est clair que ces attaques ne visent pas une quelconque moralisation du secteur bancaire helvétique mais bien à affaiblir la place financière pour le plus grand profit de ses procureurs.

L’enjeu est pourtant de taille. Le secteur bancaire représente 11% du produit intérieur brut suisse et occupe près de 140000 places de travail. Outre son honneur, la Suisse a donc aussi des intérêts concrets à défendre. Rejoignant un sentiment populaire largement partagé, Mme Miauton déplore que le Conseil fédéral ait si souvent cédé aux pressions, généralement sans obtenir grand chose en contrepartie, alimentant le flux des nouvelles exigences et des revendications supplémentaires. A cet égard, la stratégie du Conseil fédéral «pour une place financière compétitive et conforme aux règles de la fiscalité»1 lui paraît constituer une véritable capitulation unilatérale, autrement dit la variante bancaire du Cassis-de-Dijon.

Dans cette situation, l’auteur distingue trois possibilités qui s’offrent à la Suisse: céder, temporiser ou lutter. Les deux premiers scénarios ont des arguments qui parlent en leur faveur. Le tempérament de Mme Miauton la porte néanmoins à choisir le combat! Pour cela, elle préconise différentes actions que la Confédération pourrait entreprendre afin de mieux défendre sa position dans les cénacles internationaux. D’une manière générale, il s’agirait d’élargir le débat à l’ensemble des places financières et de conditionner les futures évolutions de la législation fédérale à une harmonisation mondiale des règles en matière de transparence et de conformité fiscale. Pour ce faire, la Suisse aurait avantage à resserrer ses liens avec d’autres pays partageant les mêmes intérêts qu’elle, voire à revendiquer une place au sein du G20. Cas échéant, le Conseil fédéral ne devrait pas hésiter à envisager des mesures de rétorsion, par exemple en matière d’imposition des frontaliers. Dans un registre plus original, Mme Miauton propose aussi de créer un organisme chargé de recenser et de faire rectifier tout ce qui se dit de faux ou d’injurieux sur la Suisse et sa place financière. Gageons que cet office ne manquera pas de travail… Cette suggestion illustre bien l’exaspération que suscitent dans la population l’agressivité et les outrances dont la Suisse est l’objet de la part de ses voisins.

Petit pays, la Suisse n’a guère les moyens d’une stratégie frontale. Elle devra immanquablement s’adapter à son environnement comme elle a souvent su le faire par le passé avec persévérance et habileté. Dans cette perspective, il faut de la souplesse et de la fermeté. Après bien des abandons et des reculades, l’essai de Mme Miauton plaide pour une plus grande dose de fermeté au nom des valeurs que la Suisse porte dans un monde qui «s’ensauvage». Cette détermination ne pourra que contribuer à restaurer la crédibilité de la Confédération dans des négociations toujours plus marquées par les seuls rapports de force. Ne s’agit-il pas là finalement de la voie la plus réaliste?

Notes

1 Stratégie pour une place financière conforme aux règles de la fiscalité et compétitive, www.sif.admin.ch., 22 février 2012.

Réf.: Miauton Marie-Hélène, Banques suisses, les raisons de lutter, Statkine 2012, 192 pages.

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