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Manif pour quoi?

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1966 3 mai 2013

La capacité de mobilisation des opposants au «mariage pour tous», leur diversité, leur discipline ont étonné. Reste qu’ils ont échoué, la question étant d’ailleurs de savoir ce qu’ils pouvaient réellement attendre de leurs manifestations.

Entre les parties, le jeu n’était pas égal. Le mariage pour tous est porté par la vague égalitaire qui submerge toutes choses. Une victoire des opposants n’eût été, dans l’ambiance actuelle, qu’un bref coup de frein.

Les manifestants n’avaient rien à espérer du côté du parlement, la majorité des députés étant favorable au «mariage pour tous».

Certains demandaient un référendum. Mais nos voisins comprennent le référendum comme un plébiscite. Une question au peuple sur le «mariage pour tous» aurait signifié: «Voulez-vous encore du gouvernement Hollande?» Déjà chancelant, le président ne pouvait risquer le coup.

D’ailleurs un principe de morale vaut par lui-même et n’a pas à être validé par un vote. Un refus populaire eût placé les demandeurs dans une position pour le moins ambiguë.

Le mariage n’est pas d’abord un droit individuel, mais une communauté formée par un homme, une femme et leurs enfants, une réalité naturelle dont la structure fondamentale échappe à la volonté humaine et préexiste à toute formulation juridique. Certains calicots allaient dans ce sens. Mais ce n’était pas le discours de Mme Tellenne, plus connue sous son surnom de «Frigide Barjot», la meneuse officielle de Manif pour tous.

Celle-ci est favorable au «pacte civil de solidarité», qui est l’embryon du mariage entre personnes du même sexe: «J’irai un jour avec mes copains gays célébrer des unions civiles en mairie.» Son opposition ne porte que sur l’adoption par les couples homosexuels et la procréation assistée: «On se battra donc tant que le gouvernement n’aura pas renoncé à toucher à la filiation humaine, donc à ouvrir la voie à la fabrication des enfants.»

Mme Tellenne a choisi son terrain, qui n’est pas celui des nécessités objectives de la communauté familiale, mais celui des droits inaliénables de l’individu. Elle plaide pour que le droit de l’enfant à avoir un père et une mère l’emporte sur le droit à l’adoption des couples homosexuels.

Sur le fond, cette position individualiste n’est pas très solide. Si on affirme l’égalité des orientations sexuelles, il est difficile de ne pas en déduire la légitimité du mariage homosexuel et sa stricte égalité avec le mariage ordinaire. Cela entraîne automatiquement, toujours selon la même logique individualiste, l’égalité des droits en matière d’adoption et le droit complémentaire à recourir à la «gestation pour autrui», par quoi il faut entendre la location d’une mère porteuse.

Le moment venu, il ne sera pas difficile pour les partisans de l’adoption de faire voter une loi sur la base d’études récentes – les révolutionnaires ont toujours quelques «études récentes» sous le coude – «démontrant» que cela n’a jamais créé le moindre problème dans les pays qui connaissent le système et que les enfants adoptés par les couples homosexuels sont aussi heureux que les autres.

«Nous ne lâcherons jamais», disent certains en évoquant les manifestations prévues pour les 5 et 26 mai. Nous sommes certains qu’ils le croient. Mais la manifestation de rue a ses lois. Elle doit s’amplifier sans cesse, se répandre partout, généraliser ses slogans, durcir ses exigences, susciter de part et d’autre le sentiment d’une force que rien ne peut arrêter. Ses meneurs doivent être prêts, comme l’étaient les acteurs du printemps arabe, à affronter la police, à se faire matraquer et arrêter, à risquer leur peau.

Quelques-uns ont évoqué la confrontation physique. Mme Virginie Tellenne: «Hollande veut du sang, il en aura!» M. Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale: «Le président de la République prend le risque d’une confrontation violente avec les Français.» M. Philippe Gosselin, député UMP: «C’est une incitation à la guerre civile.» Simples effets de muscles! Ces personnes se complaisaient à parler fort, mais aucune n’avait la moindre envie ni d’ailleurs les moyens d’attaquer frontalement la force publique.

Quoi qu’il en soit, Mme Tellenne a rompu la dynamique d’amplification en annonçant que son propre service d’ordre dénoncerait les casseurs à la police. Rognant les griffes de son mouvement, elle rejoignait l’«ordre républicain», la correction morale et l’insignifiance politique.

Quant à participer aux élections municipales de 2014, il ne faut pas rêver. Privées de leur raison d’agir par le passage en force de la loi, les composantes hétéroclites de Manif pour tous auront repris leur quant-à-soi avant l’été. Certains des manifestants rallieront, si ce n’est déjà fait, l’UMP ou le Front national.

Les autres rentreront chez eux s’occuper de leurs affaires. Par les temps qui courent, c’est peut-être encore la façon la plus réaliste de défendre la famille.

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