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«Les régimes fiscaux des entreprises: faites ce que je dis…»

Vincent Hort
La Nation n° 1966 3 mai 2013

Généralement discrète, l’Association vaudoise des banques (AVB) a récemment fait parler d’elle en publiant les résultats d’une étude sur la diversité des régimes fiscaux des entreprises en vigueur parmi les membres de l’Union européenne. Cette étude, réalisée par la fiduciaire PWC, tombe à point nommé dans le contexte des discussions que la Confédération et l’Union européenne ont entamées au sujet des régimes fiscaux particuliers de certains cantons, notamment en ce qui concerne la taxation différenciée des bénéfices selon qu’ils proviennent d’une activité domestique ou internationale. Bruxelles considère qu’il s’agit là d’une concurrence fiscale dommageable et invite la Suisse à se conformer au «Code de conduite» qu’elle a édicté en matière d’imposition des entreprises.

L’étude diligentée par l’AVB montre que la fiscalité des entreprises est aujourd’hui loin d’être harmonisée au sein de l’Union européenne. Il existe au contraire une grande variété de pratiques et de taux d’imposition selon le secteur d’activité, la région, le niveau des bénéfices, la nature des activités, la taille ou la forme juridique des entreprises.

Comme exemple de dérogations à ce fameux «Code de conduite» européen, on peut citer entre autres les taux d’imposition privilégiés dont bénéficient le secteur du transport maritime dans la législation de la Bulgarie, du Danemark, de la Finlande, de la Grèce, de l’Italie, de Malte, des Pays-Bas, de la Slovénie et même du Luxembourg qui n’a pourtant, à notre connaissance, pas d’accès direct à la mer. Les Iles Anglo-Normandes et l’Ile de Man accordent des avantages fiscaux aux sociétés actives dans le domaine des services financiers, tandis que la Norvège, le Danemark et le Royaume Uni réservent ces facilités à l’industrie pétrolière et gazière.

Onze pays ne retiennent aucun impôt à la source sur la distribution de dividendes (alors qu’il est de 35% en Suisse) et douze États – dont la France et le Royaume Uni – ont introduit un système d’exemption à hauteur de 80% pour les revenus provenant de licences. L’étude de PWC contient de nombreux autres exemples de ces pratiques fiscales particulières recensées dans les États européens (www.banques-finance-vaud.ch).

Comme l’écrit plaisamment le communiqué de l’AVB, «force est de constater que les pays de l’UE sont un vivier d’idées audacieuses en matière fiscale et font montre d’une grande créativité». Confortés par ce résultat, les banquiers vaudois demandent formellement au Conseil fédéral de «ne pas répéter les erreurs d’un passé récent en matière bancaire qui a conduit à la mise en place de règles du jeu différentes et doubles standards».

L’étude de PWC a été bien reçue par les médias et les milieux concernés. Une traduction en allemand et en anglais est également disponible. Chaque parlementaire fédéral en a reçu un exemplaire et la presse, y compris alémanique, s’en est faite l’écho. Dans les discussions à venir, il ne sera pas possible d’ignorer l’existence des nombreux privilèges fiscaux accordés aux entreprises par les États européens qui se livrent entre eux une féroce concurrence fiscale. La Suisse pourra à bon droit demander à l’Union européenne qu’elle commence à s’appliquer à elle-même les sains principes qu’elle exige de son petit voisin.

Plus généralement, la Suisse doit être attentive à ne pas abdiquer sa souveraineté dans le domaine de la fiscalité comme elle l’a fait dans le domaine des importations en adoptant unilatéralement le principe du Cassis de Dijon. Mais les relations internationales sont d’abord basées sur des rapports de force et il n’est pas exclu que les régimes fiscaux cantonaux des sociétés doivent néanmoins évoluer dans un avenir plus ou moins proche. En anticipant cette possibilité, le canton de Genève a récemment annoncé son intention d’imposer uniformément les bénéfices de toutes les entreprises à 13%. Ce taux unique représenterait une baisse significative pour la plupart des sociétés mais un doublement de la charge fiscale pour celles qui sont au bénéfice d’un régime particulier. Outre le risque de voir ces dernières se délocaliser, la réduction des recettes publiques qui s’ensuivrait se chiffrerait en centaines de millions de francs.

La fiscalité est une mécanique complexe qui repose sur des équilibres subtils. Y toucher demande du temps et du doigté. La sécurité du cadre juridique constitue, pour les particuliers comme pour l’économie, un facteur important et la Suisse doit y prêter une attention toute particulière. On le sait, le Canton de Vaud et l’arc lémanique constituent l’un des moteurs du dynamisme économique helvétique. Il est nécessaire que les entreprises qui y sont établies ou celles qui désirent le faire puissent bénéficier de conditions stables et concurrentielles, notamment dans le domaine fiscal. On peut se réjouir que l’AVB ait pu démontrer la large variété des pratiques fiscales de nos voisins et fournir ainsi quelques arguments supplémentaires aux négociateurs fédéraux.

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