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Initiative pour supprimer l’obligation de servir

Nicolas de Araujo
La Nation n° 1893 16 juillet 2010
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) vient de lancer une initiative populaire pour abolir le service militaire obligatoire. Le groupe affirme qu’il ne s’agit pas de supprimer tout bonnement l’armée, mais seule l’obligation de servir. Si l’initiative est acceptée, libre au gouvernement d’instituer une armée de métier. Dans son argumentaire, le GSsA dit tout haut ce que pensent tout bas l’intelligentsia suisse et les médias officiels, mais qu’ils n’osent formuler ouvertement vu l’attachement du peuple à l’armée de milice. La Suisse, dans une Europe en paix, n’aurait pas à craindre une invasion. Dès lors la milice, liée à la défense du territoire (le GSsA voit très bien que l’une suppose l’autre), n’a plus de justification.

Contrairement à l’administration militaire et au Conseil fédéral, les initiants ont un discours cohérent. Mais contre tous ces gens, nous affirmons une nouvelle fois (cf. La Nation no 1890 du 4 juin 2010) que la menace principale qui pèse sur la Suisse vient de nos voisins immédiats: la France, l’Allemagne, l’Italie. Ils se sont montrés envahissants par le passé. Et nul ne peut prédire l’avenir de l’union européenne, assemblage jeune et disparate qu’une crise économique peut faire éclater demain, rallumant la guerre en Europe. A Dieu ne plaise!

Mais sans aller jusque là, regardons la situation aujourd’hui. Notre emplacement stratégique – tunnels, espace aérien, sources fluviales et refuges fiscaux compris – intéresse nos voisins. Nous ne disons pas que ces pays convoitent notre territoire. Mais l’absence d’armée ferait l’effet d’un appel d’air. Comme dit l’adage, un pays a toujours une armée sur son sol: la sienne, ou une armée étrangère.

Il y a quelques mois, un ami haïtien nous narrait l’histoire de son pays. Haïti fut la première colonie à conquérir son indépendance, par les armes, contre les troupes de Napoléon. La suppression de l’esclavage fut le moteur du soulèvement et l’indépendance haïtienne consacra cette libération en 1804. Depuis, l’île a connu une histoire tourmentée qu’il est impossible de transcrire ici. Un fait a attiré notre attention. En 1994, le président Aristide dissout l’armée, parce qu’elle contribuait à l’instabilité politique. Cela rendit le pays vulnérable aux ingérences étrangères. Ainsi le récent tremblement de terre a servi de prétexte aux Etats-Unis et à la France pour envoyer des troupes en Haïti, ce qui aurait été difficile si le pays avait disposé d’une force militaire. L’île a une position stratégique par rapport à Cuba.

Et nous, voulons-nous que notre territoire devienne l’enjeu des rivalités européennes, ou voulons-nous en rester maîtres?

On nous objectera peut-être que l’initiative du GSsA veut supprimer le service obligatoire; son acceptation ne ferait pas disparaître l’armée suisse. Il suffirait que le gouvernement institue une armée professionnelle.

Le changement semble anodin, mais essayons de nous le représenter. Quel Suisse choisirait volontairement le métier de soldat? Celui qui n’a rien de mieux à faire. La qualité du recrutement, et donc de notre défense, en pâtirait. De plus, l’armée serait composée de volontaires sous contrat. Il deviendrait facile d’envoyer ces hommes servir à l’étranger, sous commandement étranger, à la défense d’intérêts étrangers. En pratique, la professionnalisation entraînerait la fin de la neutralité basée sur la défense du territoire. La Confédération perdrait de son autonomie et de sa souveraineté.

La Suède, modèle à imiter?

Peu avant l’annonce du GSsA, Le Temps (1.07.2010) consacrait une page au fait que la Suède abandonne le service militaire obligatoire, basé sur la conscription, pour adopter un système d’armée professionnelle. Lisons plutôt: «Longtemps, le service national obligatoire, instauré en 1901, a été conçu comme l’un des piliers d’une société qui se proclame égalitariste», dit l’article. Durant la Guerre froide, l’armée était «censée contribuer à la défense du territoire. La Suède, bien qu’ancrée dans le camp occidental, affichait alors sa neutralité et voulait pouvoir la défendre.» Aujourd’hui, cependant, l’Union soviétique a disparu. Les contraintes budgétaires obligent à diminuer les dépenses militaires. Le gouvernement suédois a choisi de réformer l’armée pour qu’elle puisse remplir ses «missions actuelles», et «en particulier (…) des opérations à l’étranger».

Le journal romand fait mine de ne pas y toucher, et ne tire pas explicitement de parallèle avec la Suisse. Mais le sous-entendu est gros. Si la Suède, petit pays neutre, abandonne son armée de milice, donc la Suisse le peut aussi… Le raisonnement n’est pas très poussé, mais il peut convaincre les esprits grégaires. D’ailleurs – le journaliste y songeait-il? – beaucoup de gens dans le monde confondent la Suisse et la Suède. Si nous voulons préserver cette traditionnelle équivoque, il faut absolument faire comme les Suédois.

Plus sérieusement, l’article contient quelques informations précieuses. Premièrement, la Suède ne fait pas partie de l’OTAN, mais elle collabore avec cette organisation par l’entremise du Partenariat pour la Paix. La Suède a des troupes en Afghanistan, soumises au commandement de l’OTAN. Des soldats suédois participent à plusieurs missions analogues dans les Balkans et en Afrique. Deuxièmement, membre de l’Union européenne, la Suède «promet désormais d’agir en cas d’agression contre d’autres Etats membres de l’UE».

Ainsi la Suède ne ressent plus la nécessité d’assurer elle-même la défense de son territoire. Elle a renoncé à son indépendance.

La première des libertés, c’est l’indépendance nationale. D’où il suit que la première des servitudes est la mise sous tutelle de la nation.

Cela nous amène à interpeller nos amis europhiles. Voulez-vous que la Suisse adhère à l’UE? Soutenez l’initiative contre le service militaire obligatoire. Faites supprimer l’armée de milice et de défense territoriale (c’est tout un). Dans les circonstances actuelles, une armée de métier servira moins à garantir notre souveraineté qu’à «promouvoir la paix» dans les protectorats de l’OTAN. La Confédération deviendra militairement dépendante de ses voisins. Elle intégrera de facto l’Alliance atlantique, avec son pendant politique et économique sur le continent, l’Union européenne.

Nous sommes convaincus que le système de milice fait partie des éléments qui ont aidé la Suisse à rester en-dehors de l’UE, dont les dettes et la bureaucratie ne font plus très envie aujourd’hui. Cette pensée doit motiver nos concitoyens astreints au service, leurs épouses, employeurs et parents, ainsi que les étrangers habitant la Confédération: tout militaire contribue à défendre la première de nos libertés.

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