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Les Fausses Notes de François Debluë

Vincent HortLa page littéraire
La Nation n° 1897 10 septembre 2010
Né en 1950 à Lausanne, résidant depuis de nombreuses années à Rivaz, François Debluë a été maître de français au gymnase de Chamblandes jusqu’à cet été. Parallèlement à sa carrière d’enseignant, il est l’auteur de nombreux textes, romans, chroniques et poésies qui lui ont valu une large reconnaissance du monde littéraire. Il a ainsi reçu le Prix Dentan en 1990 et le Prix Schiller en 1999 puis en 2004. Même s’il ne voudrait pas que l’on réduise son oeuvre à cette seule création, François Debluë est aussi connu du public comme l’auteur du livret de la dernière Fête des Vignerons en 1999.

Au moment où il s’apprête à quitter l’enseignement, François Debluë a publié deux ouvrages parallèles dans lesquels il livre les pensées qui l’ont habité au cours de ces dernières années. Le premier, intitulé De la mort prochaine, est un recueil de poésie qui a été signalé à l’attention des lecteurs de La Nation dans le numéro 1895. Consacré au thème de la mort, il se compose de plusieurs réflexions sensibles et de poèmes sur ce sujet grave et inéluctable.

Regroupées sous le titre Fausses notes, l’auteur publie dans un deuxième ouvrage les réflexions qu’il a rassemblées au cours des dix ou quinze dernières années. Il décline ainsi au fil des pages de petits textes, parfois une seule phrase, qui transcrivent une impression, un sentiment, une observation, une idée que lui inspire le monde qu’il observe.

Presque étonnamment, il y est fort peu question d’école ou d’enseignement alors même que François Debluë était pourtant bien placé pour observer l’évolution de l’institution scolaire ou la succession des générations de gymnasiens dans ses classes. L’écrivain et poète vaudois réserve en fait son attention à des sujets moins spécifiques et plus profonds, reliés à la nature humaine et à ses propres expériences personnelles nourries d’un sens aigu de l’observation et d’une vaste culture littéraire et musicale.

L’auteur égraine ses Fausses notes sans ordre apparent. Il n’a pas construit son propos pour amener le lecteur à telle ou telle conclusion, ni ordonnancé ses réflexions par sujet ou catégorie. Il agit plutôt par touches impressionnistes dont se dégagent toutefois quelques axes principaux. L’un d’eux est sans conteste la sensibilité qui imprègne tout l’ouvrage de François Debluë, tant par l’acuité de son regard que par la finesse de sa pensée.

Plusieurs manifestations observées dans le monde actuel le révoltent. La guerre des Balkans lui a fait horreur avec son cortège de destructions et de cruauté. La misère des grandes villes et l’indifférence de ses contemporains le navrent. S’il sait reconnaître et dénoncer ces dérives, il se garde pourtant bien de condamner son prochain définitivement, témoignant d’une humilité et d’une empathie hors du commun. «C’est de la peur qu’il faut avoir peur et se méfier; des faiblesses et des lâchetés. Non pas de l’autre, de l’inconnu, des différences ni des changements, qu’il faudrait savoir accueillir. Difficile apprentissage, cependant. Au rebours de l’instinct.» Ou encore: «Il faudrait être le premier à comprendre et le dernier à condamner. Plutôt que l’inverse, comme si souvent.»

L’humilité et la retenue de l’auteur ne l’amènent pas pour autant à se montrer naïf. Au contraire, certaines de ses réflexions sont d’une remarquable lucidité: «Mais il y a des discours de l’humiliation qui ne sont qu’appels à la vengeance et au meurtre, inspirés par l’orgueil plus que par l’humiliation réellement subie. Déguisement de l’orgueil (…) Qui se dit humilié déclare la guerre.»

La mort, aussi, revient régulièrement dans les pensées de François Debluë, alimentées par l’angoisse de sa maladie, le déclin ou la perte de ses proches. On sent l’écrivain tourmenté par cette perspective définitive où manque la dimension transcendante du Salut. L’auteur n’y est pourtant pas totalement étranger, au contraire, lorsqu’il écrit cette affirmation frappante: «Rien de pire peut-être que d’avoir une sensibilité religieuse sans la foi.»

«Vanité que ces fausses notes. Qu’à peine un peu d’écume.» Contrairement au titre qu’il a donné à son ouvrage et à ce qu’il en dit lui-même, les réflexions de François Debluë sont pleines de sagesse et de vérité. Elles sont l’expression du regard aigu et bienveillant, toujours lucide, d’un poète.


François Debluë, Fausses notes, L’Age d’Homme, 2010, 186 p.

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