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Pour l'arme à domicile et du sang-froid dans les isoloirs

Pierre-François Vulliemin
La Nation n° 1907 28 janvier 2011
Tous autant que nous sommes, nous avons parfois du mal à réfléchir posément, tant l’émotion nous étreint. Si on ne peut remettre les décisions à plus tard, le mieux est de recourir aux conseils de personnes de sang-froid. Malheureusement, on procède le plus souvent de manière inverse. L’exemple le plus récent concerne l’initiative «Pour la protection contre la violence des armes». Les journaux sont en effet pleins de pauvres personnes, endeuillées par un coup de feu et qu’on exhibe avec impudeur.

La plupart de ces malheureux pensent que la possibilité de supprimer ne serait-ce qu’un seul décès par arme à feu prime toute autre considération, aussi élevée soit-elle. Dans leur esprit, cette possibilité toute théorique interdit même la plus petite velléité de débat. Bien entendu, ce point de vue est faussé. Seulement, nul opposant n’osera jeter la pierre à des personnes frappées par un deuil, même lointain. Du reste, tel n’est pas le but de cet article. Nous en avons après les militants et les journalistes qui instrumentalisent ces personnes, ainsi qu’après les votants qui se laissent égarer par cette propagande.

Quoi de plus malsain, en effet, que le spectacle de personnes que leur émotion légitime gêne dans leurs capacités à mettre les choses en perspective? Une attitude encore plus malsaine consiste à se mettre soi-même, artificiellement, dans la position d’une personne endeuillée, lors même que l’on n’a pas du tout souffert personnellement. On ne fait alors que jouer à celui qui ne peut plus réfléchir sereinement. En plus d’être grotesque, cette attitude nous entraîne loin du terrain des arguments. Or, sur ce terrain-là, le débat prend une tout autre allure.

Le rôle du «Groupement pour une Suisse sans Armée» dans cette initiative prouve que le but réellement poursuivi par les initiants est de faire un pas supplémentaire vers la suppression de notre armée. Comme on l’a déjà dit dans La Nation, l’argument tout simple que «les moyens ne créent pas la fin» prouve que la présence d’une arme à feu à domicile ne donne pas plus au suicidé le désir de se tuer que son absence ne lui en ôte l’envie. L’argument de la prévention des suicides au moyen d’une arme de service est du reste disqualifié par l’interdiction faite aux soldats de garder leur munition chez eux.1

De plus, les objections valables pour la prévention des suicides sont valables pour la prévention des autres formes de violence. Les mêmes armes peuvent en effet servir soit au suicide, soit à des violences contre autrui. Enfin, il est toujours possible de se procurer des armes qui ne sont ni des armes de service ni des armes légalement acquises. On songe bien entendu à des armes à feu. Mais que dire des instruments de bricolage et des couteaux de cuisine, fort répandus dans nos foyers?

L’initiative manque son but officiel, ce dont se moquent les initiants, qui poursuivent en catimini un autre but, la suppression de l’armée. De la sorte, ni les arguments des initiants, ni le battage émotionnel fait autour de personnes endeuillées ne sauraient convaincre. Le 13 février prochain, il conviendra donc de voter NON.


NOTES:

1 Olivier Delacrétaz, «L’arme d’ordonnance à la maison, marque de civilisation», La Nation du 14 janvier 2011 – n° 1906, p. 1.

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