Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Deux victoires d’étape de la Loterie romande

Julien Le Fort
La Nation n° 1911 25 mars 2011
La victoire judiciaire

Les lecteurs se souviennent que la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) avait quasiment déclaré la guerre à la Loterie romande en lui interdisant d’exploiter les «Tactilo». Cette affaire avait connu de nombreux rebondissements. La Nation s’en était fait l’écho à deux reprises1.

Pour mémoire, le 21 décembre 2006, la CFMJ avait pris une décision aux termes de laquelle cette Commission qualifiait les «Tactilo» de jeux de hasard et les interdisait hors des casinos bénéficiaires d’une concession idoine2. La Loterie romande avait recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Des questions formelles avaient passablement rallongé la procédure. En janvier 2010, le Tribunal administratif fédéral avait donné raison à la Loterie romande. La CFMJ et la fédération suisse des casinos avaient alors recouru au Tribunal fédéral. Celui-ci a rendu son arrêt le 18 janvier dernier; il a confirmé la décision du Tribunal administratif fédéral et donné raison à la Loterie romande. Point intéressant: les parties à la procédure étaient d’une part la CFMJ et la fédération suisse des casinos, d’autre part la Loterie romande, Swisslos (l’équivalent alémanique de la Loterie romande) et les vingt-six cantons!

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral évacue en peu de mots les arguments de la fédération suisse des casinos. Il traite ceux de la CFMJ de façon plus approfondie. Le point central de l’argumentation porte sur la définition d’une loterie; cette définition repose sur le fait que les gains d’une loterie sont planifiés d’avance, au contraire de ceux des purs jeux de hasard. L’exploitant de casino court un risque que l’organisateur de loterie ne court pas. Cette définition de la loterie repose sur une jurisprudence bien établie dont les débuts remontent aux années 1920. Or la Loterie romande avait démontré depuis belle lurette que les gains distribués par les «Tactilo» étaient planifiés. Pourquoi donc une telle procédure initiée par la CFMJ faisant fi du critère de la planification des gains qui résulte d’une jurisprudence presque centenaire?

La victoire politique et le risque de tout perdre

Avant cette issue judiciaire, lasse de son bras de fer contre l’administration fédérale, la Loterie romande a porté le débat sur le terrain politique et lancé une initiative populaire fédéraliste pour des jeux d’argent au service du bien commun (www.biencommun.ch)3. Cette initiative a abouti en octobre 2009 en récoltant près de 200 000 signatures.

Devant un tel succès populaire, le Conseil fédéral était quasiment contraint soit de recommander l’approbation de l’initiative, soit de lui opposer un contre-projet. Il a opté pour la seconde possibilité. Ce contre-projet constitutionnel a été publié le 30 novembre 20104. De prime abord, il semble restituer des compétences aux cantons. En effet, il prévoit que: «sont du ressort des cantons l’autorisation et la surveillance des jeux d’argent suivants: a. les jeux auxquels peuvent participer un nombre illimité de personnes en plusieurs endroits et dont le résultat est déterminé par un tirage au sort commun ou par un procédé analogue, à l’exception des systèmes de jackpot des maisons de jeu; b. les paris sportifs; c. les jeux d’adresse.» Alors que la compétence en matière de loteries (définies ci-dessus sous lettre a) n’appartient actuellement aux cantons qu’en vertu de la loi (la Constitution fédérale l’attribue à la Confédération, mais la loi la confère aux cantons), elle appartiendrait aux cantons en vertu de la Constitution. Attention toutefois: il s’agit d’une compétence d’exécution (autorisation et surveillance). La compétence de légiférer, finalement seule déterminante, serait réservée à la Confédération. En effet, le contre-projet prévoit que «[l]a Confédération légifère sur les jeux d’argent en tenant compte des intérêts des cantons». L’initiative, quant à elle, prévoit que «[l] a Confédération fixe les principes applicables aux loteries et aux paris professionnels. Pour le reste, ces jeux sont du ressort des cantons.» Gigantesque différence!

Le comité d’initiative doit à présent décider s’il retire ou maintient son initiative. Il semble y avoir de fortes chances qu’il la retire car le contre-projet est proche de l’initiative sur la plupart des points. De plus, la Confédération a su diviser le camp fédéraliste en impliquant les cantons dans la rédaction du contre-projet. A ce stade, la Conférence spécialisée des membres de gouvernements concernés par la loi sur les loteries et le marché des loteries soutient «inconditionnellement»5 le contre-projet.

Soyons clair toutefois: s’il retirait son initiative, le comité commettrait une grossière erreur; il réduirait à pas grand-chose les presque 200 000 signatures qu’il a récoltées. Par son initiative, la Loterie romande a l’occasion de s’émanciper de cette Confédération qui la rudoie depuis des années. Eh quoi? Elle galvauderait cette chance pour retourner à son bourreau? Allons, Messieurs, un peu de courage! Ne manquez pas cette occasion de prendre une indépendance bien méritée! Maintenez et faites voter votre initiative!

 

NOTES:

1 La Nation n° 1837 et 1839.

2 Il est utile de préciser ici que la CFMJ avait déjà interdit à la Loterie romande, par décision de mesures provisionnelles du 8 juillet 2004, d’installer de nouveaux appareils «Tactilo».

3 Cf. La Nation n° 1839 pour le contenu de l’initiative.

4 FF 2010 7303.

5 Communiqué de presse du 28 février 2011 consultable sur www.cdcm.ch.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: