Les 150 ans du Conservatoire de Lausanne
Or ces nouvelles prennent un tour concret, car les responsables de la Maison ont saisi cette occasion pour confier à Antonin Scherrer la rédaction d’un splendide volume, dont le titre, ambitieux, est tout un programme: Conservatoire de Lausanne 1861-20111! Un programme tenu avec une maîtrise qui force l’admiration. Depuis les trois ouvrages de Jacques Burdet, parus dans les années 60 et 70 (qui lui ont valu le doctorat honoris causa de l’Université de Lausanne), jamais notre passé n’avait été scruté avec une attention aussi soutenue et aussi pleine d’intérêt.
Conduire une telle entreprise est une gageure. On connaît trop de ratages dans ce domaine, qui suent l’ennui par l’accumulation des faits et des dates, l’encyclopédisme ou la monotonie. Ici, il n’en est rien, au contraire. Une intelligence supérieure préside à la structure du volume, à l’agencement de ses parties et aux rapports qui les unissent. Caractéristique déterminante et très originale, l’auteur part des individus et non des événements pour décrire l’évolution de l’institution. D’où l’importance de la galerie de portraits des diverses personnalités qui, à des titres divers, l’ont façonnée. De plus, comme Antonin Scherrer a le don de l’empathie pour ces acteurs et une plume vive et enjouée, la lecture demeure passionnante d’un bout à l’autre de cette longue histoire. Rien n’y est omis ou dissimulé; chacun des faits concourt à dresser la toile de fond de la vie lausannoise ou cantonale sur laquelle se développe l’Institut de musique, depuis sa naissance le premier avril 1861 dans un modeste appartement de la place Saint-Laurent, jusqu’à son installation aux Galeries du Commerce en 1990, en passant par ses inévitables adaptations aux conditions nouvelles, sans parler de ses nombreux déménagements, rendus nécessaires par l’augmentation du nombre d’élèves. A notre connaissance, aucune institution suisse de ce genre ne possède une vue aussi exhaustive et aussi vivante de son passé.
Cette réussite lumineuse, à la fois historique, musicale et bibliophilique (merci aux Editions Infolio!), d’une richesse iconographique exceptionnelle, fait honneur au Conservatoire et Haute Ecole de Musique de Lausanne, à ceux qui en ont pris l’initiative et à son auteur. Elle démontre la fécondité d’une saine collaboration avec la Bibliothèque Cantonale et Universitaire et son archiviste musical, Jean-Louis Matthey, véritable mémoire de notre passé. Elle témoigne enfin de la richesse d’un patrimoine, même relativement récent, dont nous pouvons être fiers, et de la dette que nous avons à l’égard de ceux qui nous ont précédés. Souhaitons donc que tous ceux qui sont attachés à la vie musicale de notre communauté tiennent à posséder un document de cette valeur.
NOTES:
1 Antonin Scherrer, Conservatoire de Lausanne 1861-2011, Infolio Editions, Gollion, 2011. www.infolio.ch.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- «Ensemble, construisons l’avenir» – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Jeux d’argent: suite et (lamentable) fin – Julien Le Fort
- Informés ou intoxiqués? – Adrien Delafontaine
- Garder l’oeil sur Lampedusa – Cédric Cossy
- Une oeuvre inédite en terre vaudoise: le Requiem de Reicha – Frédéric Monnier
- Playmobil, design et réalités sociales – Félicien Monnier
- Au secours, Maman Helvetia! – Revue de presse, Ernest Jomini
- La vis et l’écrou – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Les partis après les élections – Ernest Jomini
- Remerciements à Steve Jobs – Olivier Delacrétaz
- Des richesses infinies à dimension humaine – Cosette Benoit
- Trop civilisés – Jacques Perrin
- Le langage SMS, un élitisme en voie de disparition – Le Coin du Ronchon