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Le langage SMS, un élitisme en voie de disparition

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 1927 4 novembre 2011
On entend beaucoup parler, depuis quelques années, du «langage SMS». Tantôt en mal, par les défenseurs du beau langage qui vouent aux gémonies ce sabir de phonétisme approximatif, symbole de la décadence de notre civilisation. Tantôt en bien, lorsque les journalistes nous le présentent avec délectation comme une «révolution», une «réinvention», une «réappropriation» du langage par une nouvelle génération débordante de créativité et ayant l’audace de faire table rase des absurdes difficultés orthographiques de l’école de grand papa. On se souvient en particulier de l’époque où la presse branchée, prenant sans doute ses lecteurs pour de vieux schnocks, commençait à leur expliquer le langage SMS avec force exemples. Des exemples si sophistiqués, si exagérés, si inusités par les jeunes eux-mêmes, qu’ils n’avaient probablement jamais existé ailleurs que dans l’esprit fébrile de quelques sociologues occupés à réinventer la jeunesse.

On constate d’ailleurs que les intellectuels adorent parler de ce sujet. «Le langage Short Message Service, nous apprend l’encyclopédie Wikipedia, est un sociolecte écrit qui modifie les caractéristiques orthographiques voire grammaticales d’une langue afin de réduire sa longueur, dans le but de ne pas dépasser le nombre de caractères autorisé par les messages SMS, ou dans le but d’accélérer la saisie de l’énoncé sur un clavier numérique d’un téléphone.» Ta kompri qqch?

Aujourd’hui pourtant, après quelques années supplémentaires de décadence, l’impression se confirme plus que jamais: ce qu’on appelle le «langage SMS» est un mythe, une imposture! Les «messages courts» sont de plus en plus longs et leurs «caractéristiques orthographiques voire grammaticales» n’ont rien à envier à l’école de grand-papa. Extraits choisis, authentiques: C’eut été avec grand plaisir mais j’ai déjà quelque chose. – En fait, tu pourrais venir manger avec nous jeudi soir. Elan et confiture d’airelles, etc. […] Tu peux prendre ta vodka, ça va très bien avec le menu. – L’honneur serait que tu nous honorasses de ta présence. – Je me laisse implorer et me plais à accéder à votre requête en vous accordant mon clément pardon. – Joyeux anniversaire, passe une belle journée! (Reçu avec un mois d’avance) – As-tu pris rendez-vous chez le docteur? (Répété une quinzaine de fois) – Ou encore: Je t’offre deux séances gratuites de yoga dans mon cours. Tu es libre de les prendre quand tu veux sans aucun engagement de ta part. Qui, après cela, osera encore prétendre que les SMS tuent le français? Et pas seulement le français, car les claviers internationaux des smartphones modernes permettent, sans problème aucun, d’écrire à Míša sans négliger son háček, à Małgorzata avec un «l» barré, à Ирина en cyrillique, ou au rédacteur en chef de la Nation en català.

Hélas, trois fois hélas: les petits Vaudois, par la faute des choix politico-idéologiques consternants de leurs parents, ne seront bientôt plus capables de pratiquer cet art élitaire que constitue le véritable «langage SMS».

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