Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Cassis-de-Dijon: dégueulasse depuis le début!

Félicien Monnier
La Nation n° 1934 10 février 2012

Le principe du «Cassis-de-Dijon», adopté unilatéralement par la Suisse en 2010, permet d’importer en Suisse des produits respectant les normes de production en vigueur dans la Communauté européenne ou l’Espace économique européen. Le fait de savoir si les normes suisses sont violées ne compte pas. Le Cassis-de-Dijon est un principe de relativisme normatif qui met en danger notre tissu économique, notre souveraineté alimentaire et la qualité de notre production.

De juin à octobre 2009, aux côtés du vigneron genevois Willy Crétegny et de son comité, la Ligue vaudoise menait le référendum fédéral contre le principe du Cassis-de-Dijon. Les vacances d’été, la faiblesse de l’Union suisse des paysans (USP) et la fatigue de l’UDC eurent raison de l’entreprise. A l’échéance du délai, trois mille signatures manquaient. Le principe du Cassis-de-Dijon est aujourd’hui en vigueur.

Les grondements d’insatisfaction n’attendront pourtant pas. Aux Chambres fédérales, dès la fin de l’année 2009, les premiers mécontentements s’expriment. Les prix vont-ils vraiment baisser? les consommateurs sont-ils réellement protégés? se demandent les Verts. L’UDC interroge quant à elle le gouvernement sur les relations peu claires entre la loi fédérale et l’ordonnance d’application. Comme si on craignait que le Conseil fédéral ne fasse du Cassis-de-Dijon son petit jouet personnel.

A partir de décembre 2010, les charges se font plus appuyées. L’UDC dépose deux motions devant le Conseil national. Ce ne sont pas moins de trente-neuf et vingt-six députés qui les soutiennent. La première veut supprimer le Cassis-de-Dijon de notre législation. La seconde tente d’instaurer un moratoire sur l’importation des produits alimentaires. Le Conseil national rejette les deux motions le 9 juin 2011.

Parallèlement, M. Jacques Bourgeois (PLR/FR), directeur de l’USP déjà lors du référendum de 2009, interroge le Conseil fédéral sur de nombreux points liés au principe du Cassis-de-Dijon. Il finit par déposer devant le Conseil national une initiative parlementaire pour soustraire les denrées alimentaires de l’application du Cassis-de-Dijon. L’initiative est soutenue par huitante-six cosignataires. En novembre, la Commission de l’économie du National a décidé de donner suite à l’initiative. M. Bourgeois vient de gagner le 20 janvier dernier devant la Commission de l’économie du Conseil des Etats. Il y a moins d’un an, le Conseil national rejetait une proposition de moratoire allant dans le sens de M. Bourgeois. Cela n’est pas sans soulever quelques questions sur la cohérence fonctionnelle d’un parlement.

Le 21 janvier, le directeur de l’USP disait dans La Liberté: «Adopté unilatéralement par la Suisse, le Cassis-de-Dijon revient à importer des normes plus que des produits.»1 Cela est tout à fait vrai, et constitue bien le coeur du problème. Mais ce problème n’entache pas que l’importation des produits alimentaires. C’est une véritable façon de réfléchir qui est en jeu: on ne décide pas de la validité pour la Suisse de normes étrangères en un simple tour de main.

La palme du retournement de veste revient sans conteste à la Fédération romande des consommateurs. Dans un communiqué de presse du 2 octobre 2009, la FRC se réjouissait du non-aboutissement de notre action et de l’entrée en vigueur prochaine du principe. Dans un nouveau communiqué du 6 février 2012, elle reconnaît son fourvoiement passé. Elle soutient donc l’initiative Bourgeois et revendique plusieurs modifications de fond, au point d’altérer le Cassis-de-Dijon au niveau de son principe même.

Une prise de conscience est en train de se faire. Nous nous en réjouissons, mais avec amertume. Nous ne pouvons tout d’abord nous empêcher de penser que, si l’UDC et M. Bourgeois avaient mis dans le référendum de 2009 toute l’énergie qu’ils ont par la suite dépensée en incertaines manoeuvres politiciennes, nous n’en serions probablement pas là. Quant à la FRC, nous ne pouvons nous empêcher de nous moquer d’elle. C’est naïvement qu’elle avait oublié que le consommateur est aussi un producteur qui travaille en Suisse, chez des employeurs suisses. Puisse- t-elle en tirer une leçon!

Le Conseil fédéral mériterait d’écoper du plus grand blâme. «Qui ne tente rien n’a rien», dira-t-il pour sa défense lorsque l’initiative de M. Bourgeois aura abouti. Nous lui répondrons que concevoir une application unilatérale du Cassis-de-Dijon était, tout simplement, une erreur de principe.

M ais peut-être est-ce là tout ce que nous méritons pour avoir laissé sacrifier notre souveraineté alimentaire: nous goinfrer de riz au pesticide et de cidre à l’eau!

 

NOTES :

 

1 Serge Gumy, «Cassis de Dijon: Un pas vers l’exclusion des produits alimentaires», La Liberté, 21 janvier 2012.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: