Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Loi sur l’aménagement du territoire: tout référendum doit être soutenu

Félicien Monnier
La Nation n° 1944 29 juin 2012

L’«initiative populaire pour le paysage» ne prenait aux cantons qu’une seule compétence, en gelant l’extension des zones à bâtir à un horizon de vingt ans. Le contre-projet de loi sur l’aménagement du territoire (LAT) impose trois obligations: redimensionner les zones à bâtir en planifiant restrictivement à quinze ans, prévoir une taxe sur les plus-values occasionnées par les redimensionnements, instaurer un mécanisme de contrainte à la construction en cas de thésaurisation du sol par les propriétaires fonciers.

D’un point de vue fédéraliste, le contre-projet est encore plus centralisateur que l’initiative. Une ombre revancharde semble même planer sur celui-ci: les cantons auraient été trop permissifs.

La Confédération leur aurait trop fait confiance. Ils l’auraient déçue en mêlant concurrence fiscale et mitage du territoire comme le laisse supposer le Temps de lundi dernier1. Ils mériteraient donc pleinement le coup de poing centralisateur que les tenants d’une Suisse unifiée ne manquent pas de leur asséner.

Dans ce même article du Temps, M. Pierre-Alain Rumley, auteur du «Projet de Territoire suisse», se donne une bonne conscience fédéraliste. Il propose en effet d’alléger la pression centralisatrice en forçant les cantons à collaborer. La collaboration leur étant imposée, cette fausse nuance est insultante. Elle n’est pourtant que l’expression d’une erreur de philosophie politique courante: on pense que les cantons suisses doivent perdre une compétence lorsque la Confédération juge qu’ils ne sont plus à même de l’exercer. Cette inversion du principe de la subsidiarité est dangereuse. Elle nie en effet que le vrai niveau de la souveraineté est celui des cantons, qui peuvent en déléguer une partie à l’alliance fédérale.

Dans le Canton de Vaud, des règles strictes existent en matière d’aménagement du territoire. Coeur du contre-projet fédéral, la planification à quinze ans a déjà été faite avec le Plan directeur cantonal de 2011. La Confédération veut maintenant voir les autorités vaudoises remettre l’ouvrage sur le métier. C’est se moquer du monde! Mais cela montre aussi le grand danger que représentent pour les cantons les différentes lois-cadres votées par les Chambres fédérales, ainsi que la notion de compétence fédérale limitée aux principes. Les principes sont malléables et vont d’expérience dans le sens d’une centralisation plus forte.

L’immense diversité de la Suisse doit nous appeler à donner aux questions d’aménagement du territoire les réponses les plus pragmatiques possibles. Dans notre conception, une réponse réaliste se fonde sur les réalités politiques locales et souveraines, à savoir les cantons, pour mener la meilleure politique d’aménagement du territoire possible. On ne peut pas donner à la Confédération des morceaux de compétence sans provoquer de marquants déséquilibres. Tant que les cantons existent, ils devront toujours exercer la plus grande majorité de compétences politiques; l’aménagement du territoire en est une.

Le Grand Conseil vaudois va bientôt être amené à se prononcer sur son soutien à un référendum des cantons contre cette révision de la LAT. En tant que représentant légal de la souveraineté du Canton, il se doit d’examiner avec attention la perte de compétence que représente pour lui cette modification de la loi d’aménagement du territoire. En refusant ce contre-projet, le message que recevront les Chambres fédérales est que les cantons sont déterminés à garder la main sur leur politique territoriale. Ils sont libres et garants de la liberté de leurs citoyens.

Inévitablement, certains députés seront tentés de refuser le référendum des cantons au nom de leurs opinions politiques ou personnelles en matière d’aménagement. Ils préféreront alors une loi fédérale allant dans leur sens qu’une loi cantonale, qu’ils auraient voulue et débattue dans le détail. Cette position n’est à première vue pas absurde, pour quelqu’un qui considère le fédéralisme comme une idée politique parmi d’autres. Mais c’est ne pas voir que la question de savoir qui fait quoi est la première à poser et à résoudre. En aménagement du territoire, les cantons possèdent, par leur proximité naturelle avec la réalité, toutes les qualités pour légiférer en fonction des intérêts réels en présence.

Pour le législateur fédéral, un village est un tableau de statistiques, un champ est un rectangle de nature, à préserver sur un plan cadastral. Pour les autorités cantonales, ce sont des hommes, des institutions et une terre à exploiter au mieux des intérêts de la communauté.

Notes

1 Yelmarc Roulet, «Maîtrise du sol, la “mort’’ des cantons», Le Temps, lundi 25 juin 2012.

 

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: