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Dites, la recherche en sciences humaines, ça sert à quoi?

Claire-Marie Lomenech
La Nation n° 1954 16 novembre 2012

Au sein des universités, on s’interroge sur le financement par le domaine privé. Sans cas de conscience, les écoles polytechniques l’ont accepté depuis longtemps, permettant et même encourageant les entreprises privées à investir dans la recherche. mis à part quelques rares cas de soutien philanthropique désintéressé (comme à Bâle), ce sont majoritairement les pôles de sciences dites «dures» qui en bénéficient. on sait bien que la tendance actuelle réside dans une vision utilitariste de la science.

D’ailleurs, la recherche en sciences humaines, ça sert à quoi et à qui? et «concrètement, ça mène à quoi» comme carrière? L’auteur de cet article ne dira pas combien de fois on lui a posé cette question (!) et, jour après jour, affine son argumentaire. elle se désole aussi des résultats de l’évolution en faveur d’une vision plus diversifiée de l’université, traduite par le passage de la notion classique d’universitas, où les diverses unités de recherche avaient beaucoup plus d’indépendance qu’aujourd’hui, à la notion anglo-saxonne et globale de university, où l’on s’identifie plus au groupe, à l’institution, qu’à sa faculté ou à sa section. Si ces deux mots ont la même étymologie, ils n’ont de loin pas la même signification.

Ces réflexions n’ont somme toute pas de valeur particulière en rapport à l’actualité de ce mois de novembre. Lors d’un stage à l’excellent Institut de recherche et d’histoire des Textes (IRHT) à Paris, nous avons appris que le corps des chercheurs était passé de cent dix à cinquante personnes, mouvement entamé il y a plusieurs années, dû aux réductions budgétaires: les personnes en fin de carrière ne sont pas remplacées et des compétences se perdent. Alors certes, nous nous éloignons du canton de Vaud, qui reste épargné par de telles coupes! Sans compter que le corps des chercheurs de l’IRHT n’est pas le seul à souffrir en France de ce genre d’«allègement salarial». mais n’est-ce pas là significatif d’une humeur ambiante à l’égard des humanités? Pour faire disparaître le passé, quoi de mieux durant les guerres que de brûler églises et bibliothèques, pour faire oublier ce qu’ont, plus tôt, cru, pensé et écrit les anciens et, par là, couper les racines qui relient les hommes à des siècles de tradition? Nos églises sont heureusement encore debout et chaque semaine les bibliothèques virtuelles s’enrichissent virtuellement de magnifiques reproductions des plus beaux manuscrits médiévaux du monde. E-codices (Université de Fribourg, e-codices.unifr.ch), Gallica (Bibliothèque nationale de France, gallica.bnf.fr) ou encore Europeana Regia (europeanaregia.eu) sont des bases de données que nous vous invitons vivement à visiter, ne serait-ce que pour le plaisir des yeux! L’accès aux richesses de notre passé est devenu d’une facilité quasi désopilante. Nous sommes donc rassurés de savoir que des personnes investissent dans ces projets, conscientes que cet héritage mérite d’être transmis.

Que n’en profitons-nous davantage! Alors certes, ça ne rapporte pas grand-chose, au contraire. L’utilité de la recherche en histoire et en littérature ne se mesure pas de la même manière que dans les autres domaines. Il ne s’agit pas de calculer les répercussions économiques et l’introduction de nouvelles stratégies dans l’industrie, mais plutôt de connaître le passé et de transmettre un savoir. Un autre monde. De la même manière, donner à voir au grand public ces trésors est un geste gratuit, qui fait de nous à la fois les dépositaires de ces trésors et de grands amoureux de ces beautés.

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