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Un concert à Valeyres-sous-Rances, été 1816

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 1954 16 novembre 2012

Imaginez le vieux Charles-Victor de Bonstetten sortant de son château, que bon nombre de nos lecteurs connaissent, pour se rendre à pied au manoir voisin où il a été convié pour assister à un concert donné par la maîtresse des lieux, Mme Boissier-Butini, pianiste de grand renom, mais aussi compositrice de talent. entourée de quelques amis musiciens, elle va jouer la partie solistique – diablement virtuose! – de son sixième Concerto «La Suisse» pour piano, flûte obligée et cordes. Sur quel piano? Un Erard? Un Pleyel? Le sous-titre de la pièce renvoie à des airs populaires helvétiques, notamment Le Ranz des vaches, copieusement cité. en cela, elle précède de quelques années le jeune Mendelssohn et le scherzo de sa 9e symphonie pour cordes, lui aussi intitulé «La Suisse», à cause de semblables références, captées lors d’un voyage familial en Suisse centrale. et c’est sans compter Brahms qui, beaucoup plus tard, introduit un air de cor des Alpes, entendu du côté de Thoune, dans le dernier mouvement de sa première symphonie.

Sachant cela, qui n’aurait envie d’écouter, à Valeyres ou ailleurs, caroline Boissier-Butini (1786-1836), précurseur en musique du goût romantique pour les paysages alpins? eh bien, la chose est désormais possible, grâce à l’intrépide maison de disques VDE Gallo qui a publié un CD entièrement consacré à des œuvres de cette singulière compositrice genevoise d’origine, mais qui passait ses étés dans sa demeure du Nord vaudois. Disons-le d’emblée, caroline Boissier est dépourvue de génie: son invention est modeste, sa virtuosité tourne parfois un peu à vide et son orchestration est assez sommaire. est-ce une raison pour mépriser sa musique? Nullement: ces échos des salons d’autrefois s’écoutent avec délice, où flottent des parfums empruntés à Beethoven, Weber, Hummel, Field, Dussek, Kalkbrenner, et autres gloires de l’époque.

Cette publication se recommande par le soin, disons même l’amour porté à sa réalisation: le projet a été dirigé par Irène Minder-Janneret, qui a rédigé une notice très détaillée et sans pédantisme: un modèle de vulgarisation intelligente. Les interprètes défendent leurs partitions avec une vivace conviction. enfin, une jolie miniature de Mathias Gabriel Lory, représentant Valeyres-sous-rance au temps des Boissier, avec le Suchet au fond, achève de rendre irrésistible l’achat de ce CD qui est plus qu’un CD: une frange inédite et inattendue de notre histoire culturelle.

Référence: Caroline Boissier-Butini, Concerto no 6 en sol pour piano, flûte obligée et cordes – Pièce pour l’orgue – Sonate pour piano no 1 – Divertissement avec rondo à la polacca pour piano, clarinette et basson. Interprètes et lieux d’enregistrements divers. 1 CD Gallo 1277.

P. S. caroline Boissier a eu deux enfants. Son fils, Pierre-Edmond Boissier, botaniste, doit sa renommée à la découverte et la nomenclature de quelque six mille plantes méridionales nouvelles.

Sa fille, Valérie de Gasparin, après avoir rétabli les bains d’Yverdon, a créé en 1859 l’école d’infirmière de La Source, à Lausanne.

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