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Des pasteurs et des diacres

Olivier Klunge
La Nation n° 1955 30 novembre 2012

Dans l’Eglise évangélique réformée vaudoise actuelle, bon nombre de diacres accomplissent en paroisse un ministère de type pastoral, prêchent le dimanche et célèbrent les sacrements.

La tendance actuelle sur le terrain, en l’absence d’une théologie des ministères officielle, va vers l’indistinction du pasteur et du diacre.

Pourtant cette pratique n’est pas acceptable, ni pour les personnes concernées, ni sur le plan œcuménique. D’une part, il n’est pas possible d’affirmer, à la suite des réformateurs, qu’une formation universitaire et des capacités herméneutiques sont nécessaires à la prédication et à la célébration des sacrements et, parallèlement, confier de manière régulière et indifférenciée ces tâches à des diacres, qui n’ont en principe pas de formation universitaire en théologie. Si la seule différence entre un pasteur et un diacre reste le salaire nettement inférieur du second, alors la distinction des ministères relève de l’hypocrisie et ne peut être maintenue.

Ce double ministère, conjugué à une indistinction des fonctions, constituerait théologiquement un obstacle à la communion de l’Eglise vaudoise avec les autres Eglises. Au niveau œcuménique le plus large, la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Eglises (à laquelle participe l’Eglise catholique-romaine) insiste sur la nécessité de ministères distincts au service de l’Eglise: «Le triple ministère de l’évêque, du presbytre et du diacre peut servir aujourd’hui d’expression à l’unité que nous cherchons et aussi de moyen pour y parvenir.»1 Les presbytres, nos pasteurs selon la terminologie réformée, sont définis comme «ministres pastoraux de la Parole et des sacrements dans une communauté eucharistique locale. […] Les diacres représentent au sein de l’Eglise sa vocation de servante dans le monde.»2

Même au sein du monde réformé helvétique, l’indistinction entre les ministères pastoral et diaconal est clairement critiquée par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS): «La consécration ne donne pas accès à une sorte d’“équipe ministérielle” commune virtuelle, mais est plutôt une affectation fonctionnelle à un ministère spécifique. Cette affectation, dans son expression liturgique, doit faire apparaître la différence entre les formes de ministères.» La FEPS précise sans ambiguïté que la célébration des sacrements (baptême ou Cène) devrait «se faire uniquement par le ministère pastoral, ce qui n’exclut pas une délégation pastorale à titre exceptionnel. […] Les délégations pastorales ne doivent pas pouvoir se prolonger de manière à laisser s’instituer en sous-main un ministère pastoral de seconde catégorie, sinon la délégation pastorale manquerait son objectif qui est justement de clarifier les attributions.»3

Il convient cependant de rappeler que, si le ministère pastoral a une fonction centrale dans la vie de la communauté paroissiale, il ne doit pas être compris comme le seul ministère complet par rapport aux autres ministères, ordonnés ou non, de l’Eglise qui sont également indispensables. La FEPS pose d’ailleurs à raison que «cette position particulière du ministère pastoral oblige à se demander en permanence s’il ne faudrait pas procéder à une distinction plus tranchée entre la position centrale – légitime – du ministère pastoral et une concentration peu judicieuse de toutes les activités et de toutes les tâches sur les personnes qui exercent ce ministère».4

Malgré la proportion très importante de diacres dans les récentes volées de consacrés, l’affectation des diacres à un ministère de type pastoral (avec délégation automatique et perpétuelle) n’est pas une fatalité. En effet, depuis la réforme EAV, il n’existe presque plus de paroisses avec un ministre unique et les postes régionaux constituent un tiers environ de l’ensemble des postes ministériels. Il est donc tout à fait possible d’organiser les équipes ministérielles paroissiales avec des cahiers des charges de type pastoral et diaconal. Les postes de type diaconal au niveau cantonal ou régional pourraient être affectés en priorité aux diacres. Cela permettrait aux pasteurs de se concentrer sur leurs tâches principales, en particulier en lien avec leur formation théologique, et aux diacres de démontrer la spécificité et la valeur propre de leur ministère dont l’Eglise a particulièrement besoin dans la situation de marginalisation démographique et sociétale qu’elle subit.

Par ailleurs, il serait également nécessaire de permettre aisément à des personnes, diacres ou non, qui désirent embrasser le ministère pastoral sans avoir étudié la théologie dans leur jeunesse, de pouvoir suivre un cursus de formation sérieux, complet et accessible en cours d’emploi, à l’instar des masters of advanced studies (MAS) qui se multiplient dans les offres universitaires. Il s’agit également d’avoir la souplesse nécessaire pour que l’Eglise reconnaisse et utilise le charisme de chacun de ses membres.

La distinction entre ministères pastoral et diaconal est un enjeu important pour l’Eglise vaudoise. Nous devons nous y atteler: il s’agit d’une question d’honnêteté vis-à-vis de nos Eglises sœurs et des personnes concernées, pasteurs et diacres.

Notes:

1 Commission Foi et Constitution, Baptême, eucharistie et ministère, 1983, Ed. du Centurion / Presses de Taizé, p. 62. Sur ces questions que nous ne traiterons pas plus avant, cf. P.-F. Vulliemin, «De l’évêque, des pasteurs et des diacres», La Nation, no 1785, 26 mai 2006.

2 Ibid. pp. 66-67.

3 FEPS, La consécration selon le point de vue réformé, Position 10, éd all. 2007, éd. fr. 2009, pp. 64-65. Cette brochure est téléchargeable sur www.feps.ch.

4 Ibid. p. 61.

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