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Le service citoyen dévalorise la défense nationale

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2291 31 octobre 2025

Le GSsA nous avait habitués, avec ses alliés verts et socialistes, à attaquer les symboles du système de défense suisse. Il y a quinze ans, il aligna l’obligation de servir dans son viseur. Peuple et cantons, pas dupes de cette grossière attaque, en plébiscitèrent le maintien.

L’initiative pour un «service citoyen», soumise au vote le 30 novembre prochain, est bien plus pernicieuse. Elle prévoit qu’à la place de l’actuelle obligation de service militaire, toute personne de nationalité suisse accomplisse un service au bénéfice de la collectivité et de l’environnement (al. 1). Ce service s’accomplirait sous la forme du service militaire ou d’un autre service de milice équivalent reconnu par la loi (al. 2). Les femmes suisses y seraient astreintes. L’initiative laisse la possibilité aux Chambres d’en étendre l’obligation aux étrangers.

Est-elle antimilitariste? Ses auteurs s’en défendent. Le comité regroupe plusieurs militaires que nous savons, pour les connaître personnellement, attachés au principe de notre défense nationale sur le modèle de l’armée de milice. Le texte n’attaque pas l’armée frontalement et va jusqu’à prévoir que son effectif réglementaire doit être garanti.

On ignore comment cette garantie sera mise en œuvre. Les infographies disponibles sur le site des initiants préconisent, lors du recrutement, un «relevé des préférences». Elles indiqueraient une tendance à accorder aux conscrits un libre choix du type de service, militaire ou autre. Il faudra pourtant bien en forcer certains à porter les armes si l’effectif n’est pas rempli. Concrètement, on doit s’attendre à ce que, malgré une prétention générale au libre choix, il existera des militaires servant volontairement et d’autres contraints. Simultanément, le service citoyen permettra toujours à certains d’échapper au service militaire. L’arbitraire de la contrainte augmentera l’injustice de l’inégalité de traitement.

Par cette équivalence qu’elle pose entre le service militaire et un service général à la collectivité, l’initiative dévalorise le service militaire sur deux plans différents.

Le premier plan, individuel, est celui du sacrifice fondamental auquel le citoyen-soldat consent, et le statut particulier que cela devrait lui accorder. En endossant l’uniforme, le soldat accepte la possibilité de donner la mort en contrepartie du risque de la recevoir. Se contentant de garantir la technocratique «alimentation» de l’armée, l’initiative refuse au soldat la reconnaissance de cette responsabilité unique, tout comme sa transposition en termes constitutionnels.

Que l’Etat puisse forcer certains citoyens suisses à servir au risque de leur vie, pour garantir les effectifs, alors que d’autres pourront continuer à garder des salles de musées1, constituera une injustice fondamentale. Elle serait, en cas de crise, promesse de tensions sociales peut-être jamais vues. Cette injustice n’est en réalité résorbable qu’à la condition que l’obligation de servir soit limitée au seul service militaire. N’aggravons pas la fêlure que le service civil introduit déjà dans les forces morales qui doivent sous-tendre notre défense nationale.

Un second plan est politique. Il se situe au niveau du but du service militaire, qui est la défense, en ultime moyen, de la souveraineté de la Confédération suisse et des Cantons qui la composent. Cette liberté communautaire est la condition préalable de toutes les autres libertés, personnelles ou corporatives. En cela, elle est première en étant à l’origine des autres. Mais le service militaire est aussi dernier, en ce qu’il est le dernier moyen du politique. Après l’armée, il n’y a rien.

Au contraire, l’initiative voit principalement dans l’obligation de servir un vecteur d’intégration sociale et de facilitation de carrières. Preuve en est son ouverture aux femmes et éventuellement aux étrangers. En plus de nier la dimension fondamentale et unique de la défense militaire de la Confédération, elle vide le pays de sa substance en faisant de l’Etat le grand promoteur de l’engagement bénévole tous azimuts. Cet étatisme foncier est typique des afficionados de la société civile, magma de doctrines et de mouvements progressistes se targuant d’être représentatifs de l’opinion et du pays.

Seule la mise sur pied d’une l’armée conçue comme ultime moyen de défense de notre souveraineté peut justifier d’instituer une obligation de servir. L’intégration des femmes dans la défense passera par la restauration du concept de défense générale, pas par l’extension de l’obligation de servir. Le 30 novembre, nous voterons NON à l’introduction d’un service citoyen.

Notes:

1   Le Musée national d’art de Kiev est ouvert tous les jours sauf les lundi et jeudi https://knag.museum/index.php/en/

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