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Résidences secondaires: non à l’initiative Franz Weber

Alexandre Bonnard
La Nation n° 1935 24 février 2012

Soumise à la votation du peuple et des cantons le 11 mars prochain, cette initiative demande 1’introduction dans la Constitution fédérale d’un article 75b de teneur suivante:

1. Les résidences secondaires constituent au maximum 20% du parc des logements et de la surface brute au sol habitable de chaque commune.

2. La loi oblige les communes à publier chaque année leur plan de quotas des résidences principales et 1’état détaillé de son exécution.

Intitulée «Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires», cette initiative pourrait ainsi être interprétée comme une première étape d’un processus visant, sinon à démolir les 500000 résidences secondaires existantes en Suisse, du moins à désaffecter celles qui dépassent déjà le 20% imposé à chaque commune, pour les réaffecter en résidences principales. On peut toujours rêver.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de nier les problèmes que soulève 1’inflation des résidences secondaires. Leur prolifération s’explique principalement par la passion pour les sports d’hiver et subsidiairement par le goût pour l’alpinisme et les randonnées en montagne. Si vous avez la bizarre idée de vous promener en juillet-août par exemple à Haute-Nendaz, vous y verrez à peu près autant de volets fermés qu’en novembre. On ne peut pas nier non plus certaines atteintes au paysage surtout par des grands ensembles, alors que les chalets individuels sont généralement de volume et de style raisonnables.

C’est la fatalité de la beauté que d’attirer les convoitises. Le tourisme «de masse» en est 1’exemple le plus frappant et si un prospectus vous vante telle région «encore préservée», c’est déjà le commencement de la fin.

Cependant les autorités fédérales, cantonales et même de certaines communes exposées n’avaient pas attendu le dépôt de 1’initiative pour prendre des mesures contre un développement excessif et anarchique. Ainsi le Conseil fédéral avait deposé en 2007 un message aux Chambres proposant 1’introduction de deux nouveaux alinéas à l’article 8 de la loi fédérale sur 1’aménagement du territoire (LAT) qui definit le contenu des plans directeurs. Les deux Chambres ont adopté ces dispositions, dont la teneur est la suivante:

Contenu minimal des plans directeurs

2 Ils désignent les territoires où des mesures particulières doivent être prises en vue de maintenir une proportion équilibrée de résidences principales et de résidences secondaires.

3 Les mesures a prendre visent notamment les buts suivants:
a. limiter le nombre de nouvelles résidences secondaires;
b. promouvoir l’hôtellerie et les résidences principales à des prix abordables;
c. améliorer le taux d’occupation des résidences secondaires.

S’y ajoutent les dispositions transitoires suivantes:

1 Les cantons concernés adaptent leur plan directeur aux exigences de la présente loi dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification et veillent, le cas échéant, à ce que les communes concernées prennent les mesures nécessaires dans le même délai, notamment par la fixation de contingents annuels ou d’un taux de résidences principales, par la délimitation de zones d’affectation spéciale ou par le prélèvement de taxes d’incitation.

2 A l’expiration de ce délai, aucune nouvelle résidence secondaire ne sera autorisée tant que les cantons et les communes n’auront pas pris les dispositions nécessaires.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2011. Elles laissent évidemment à la jurisprudence le plaisir de définir ce qu’il faut entendre par proportion «équilibrée» des résidences principales et secondaires, notion qui variera sensiblement entre les cantons du Valais et des Grisons d’une part, ceux par exemple de Bâle-Ville ou Zurich d’autre part. De même pour la «promotion» (lisez «subvention») à des prix «abordables» de l’hôtellerie et des résidences principales. De même pour 1’amélioration du taux d’occupation des résidences secondaires: contrôle systématique du nombre de jours d’occupation avec taxes «incitatives» (c’est-a-dire punitives) à partir d’un certain nombre de jours d’inoccupation? Ou obligation de sous-louer hors des saisons touristiques avec subventions aux très hypothétiques souslocataires temporaires (lits tièdes)?

Quoi qu’il en soit, cette modification législative n’a pas incité les auteurs de l’initiative à la retirer, si bien que le Conseil fédéral et le Parlement recommandent son rejet, avec une argumentation justifiée, mais plutôt mince. Elle relève le caractère sommaire et arbitraire d’un plafonnement à 20%, ne tenant aucun compte des disparités cantonales et régionales et qui bloquerait toute possibilité de construire des nouvelles résidences secondaires dans environ une commune sur cinq en Suisse.

Le bulletin hebdomadaire (Service d’information) du Centre Patronal nous fournit d’utiles précisions. Les quelques 650 communes qui seraient frappées par cette interdiction se trouvent dans les cantons du Valais, des Grisons, du Tessin, de Berne et dans les Alpes vaudoises. Ces cantons et par eux les communes concernées devraient subir les graves conséquences économiques d’un blocage complet et durable de leur développement.

La Confédération se prévaut du fait que la nouvelle disposition légale respecte la compétence cantonale telle que garantie par 1’art. 75 al. 1 de la Constitution. Mais dans ce domaine comme dans d’autres la centralisation est subreptice, avançant à petits pas. A cet égard la disposition transitoire est édifiante! Mais la raison première et fondamentale pour laquelle nous voterons résolument NON à l’initiative est qu’elle ignore superbement le fédéralisme et ceci dans un domaine où les différences de situation sont flagrantes.

II y a d’autres arguments. Tout d’abord celui du «mitage» du territoire, qu’il faudrait stopper. Si la demande (suisse et étrangère) en résidences secondaires se maintient, la construction va se poursuivre dans les communes qui disposent encore d’une bonne marge de terrains constructibles en-dessous de 20%, d’où un effet pervers du blocage et une aggravation du mitage! On cite entre autres (nombreux) exemples celui de la commune de Salins, qui se situe juste endessous de la fameuse piste de 1’Ours mais n’a que très peu de résidences secondaires et qui est en train de fusionner avec Sion, où le taux de telles résidences est sans doute inférieur à 1%. Il est probable qu’au bout de quelques années l’initiative, si elle est acceptée, apparaîtra comme contre-productive.

Population évincée de sa terre natale par des prix inabordables de l’immobilier? C’est à voir. Qui a vendu, qui vend encore du terrain aux constructeurs, aux promoteurs? Les indigènes tenant à rester dans leur village pour toutes sortes de bonnes raisons et qui ont eu ou auront les moyens d’y construire de beaux chalets, tant pour y habiter que pour les louer en tout ou partie à des vacanciers. Le soussigné en sait quelque chose, qui en un demi-siècle a loué pour des vacances de ski maints chalets et appartements dans plusieurs stations valaisannes, toujours et sans exception à des autochtones. Indigènes évincés de leur terre natale? On voudrait en connaître. Ce sont peut-être ceux et celles qui ont quitté leur village pour travailler en plaine et voudraient y retourner au moment de leur retraite alors qu’ils n’y ont jamais été propriétaires, mais qui ne trouvent rien à louer à des prix abordables. Peut-être pourront- ils y trouver des logements subventionnés en application du nouvel art. 8, al.3 LAT, mais en tout cas pas grâce à 1’initiative Weber.

Enfin, 1’esthétique et la protection du paysage: la vision des initiants est apocalyptique. Bien sûr, on ne donnera pas comme exemple à suivre Montana-Crans, une ville à la montagne. Mais ni Zermatt, ni Saas-Fee n’ont défiguré le site. On peut trouver d’autres exemples de bonne intégration.

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