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La cité en jeu

Jean-Jacques Rapin
La Nation n° 1935 24 février 2012

La cathédrale reste l’édifice marquant de la Cité – presque son emblème – en complète et miraculeuse harmonie avec l’Ancien Evêché, l’Ancienne Académie et le château St- Maire. Il faut toutefois y adjoindre le bâtiment du Grand Conseil et saluer bien bas l’architecte Perregaux qui, de 1803 à 1806, a eu la sagesse de concevoir une construction à la fois élégante et modeste, avec sa façade néo-classique, ses colonnes engagées et son fronton triangulaire, ne détruisant en rien cette précieuse harmonie d’ensemble de la Cité. Jusqu’au récent incendie, c’était alors un privilège de pénétrer dans la salle du Grand Conseil, image parfaite et émouvante de la vie vaudoise du début du xIxe siècle, mi-campagnarde, mi-citadine, avec ses sièges en demi-cercle et son beau poêle de catelles à l’ancienne. Hélas, tout cela n’est que souvenir; on le sait, rien n’a pu être sauvé de ce désastre.

Malheureusement, une mauvaise étoile semble poursuivre dès lors ce bâtiment, qui n’y peut rien, puisqu’une conception scélérate prétend maintenant le défigurer à jamais en le coiffant d’une gigantesque couverture, totalement inadaptée et hors de proportion. Sans songer un instant au «cadeau» ainsi fait à la vue d’ensemble de la Cité, dont l’harmonie générale – et tout particulièrement celle des toits! – se verrait gravement altérée par cette bouffonnerie ubuesque.

Allez à Varsovie, à Lu?beck ou à Dresde, toutes villes martyres, anéanties lors de la Deuxième Guerre mondiale. Avec une humilité qui les honore, avec un respect exemplaire de leur patrimoine, habitants et dirigeants ont tenu à reconstruire, leur aspect extérieur au moins, à l’identique, pierre à pierre, en s’inspirant lorsqu’il le fallait, comme à Varsovie, des peintures de Bellotto, ce peintre du xVIIIe siècle, afin de retrouver les moindres détails de ce qui faisait le charme et la beauté de ces cités. Aujourd’hui, elles sont redevenues des objets de fierté pour les autochtones, d’admiration pour les étrangers de passage.

N’hésitons pas à le dire. Il y a une grande impudence, un mépris et un orgueil déplacé à prétendre imposer d’une pareille manière sa marque là où la communauté a le devoir de conserver un patrimoine qui nous concerne tous. Repensons seulement aux habitants de ces villes martyres, qui ont eu le courage et la dignité de redonner vie à ce qui avait disparu. Nous n’en sommes pas là, mais leur exemple doit nous donner à penser.

Alors, «à la Vaudoise», avec sagesse, partageons la poire en deux… Que l’extérieur du bâtiment de Perregaux soit absolument respecté et conservé – y compris et surtout son toit! – mais que l’intérieur soit adapté aux nécessités de la vie moderne. Pour ne prendre que cet exemple, on ne peut obliger nos députés à prendre place sur des bancs, comme l’étaient leurs prédécesseurs, ou comme le sont encore aujourd’hui les parlementaires anglais… Tout le monde y gagnerait et la Cité n’y perdrait rien de sa beauté.

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