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Vingt ans déjà

Jean-François BaudrazOn nous écrit
La Nation n° 1951 5 octobre 2012

Au début des années huitante du siècle passé, j’ai obtenu un mandat du BIT, aujourd’hui OIT (organisation internationale du travail). Muni d’une lettre de recommandation, je me suis rendu à Bruxelles au siège de la CEE pour tenter d’obtenir certaines informations. J’en suis reparti quatre jours plus tard, sans même avoir pu rencontrer mon interlocuteur désigné, pourtant dûment averti de mon passage et de mes demandes. Je garde de Bruxelles un souvenir touristique émerveillé. J’ai trouvé ce que je cherchais dans un bureau d’études économiques privé… à Paris.

De 1985-1990, j’ai, dans le cadre de mon activité, été chargé de lire certaines publications relatives à l’évolution du droit et des réglementations européennes en matière économique. Chaque trimestre je devais donner un aperçu aux cadres de l’entreprise. Je commençais toujours par un florilège de la littérature de l’UGB (cette abréviation connue de tous les paysans signifie ici Usine à Gaz Bruxelloise); dans cet exercice, j’ai acquis une réputation d’humoriste, totalement imméritée.

Dès le début de la campagne pour l’adhésion à l’EEE, mon opinion était établie. Mais la lecture de la propagande diffusée par Berne l’a confortée. J’ai soigneusement conservé ces documents, car jamais on ne vit une information aussi malhonnête; bien malin était celui qui pouvait y trouver une raison, même minime, de refuser de dire oui à l’EEE. Ce fut la première erreur des autorités fédérales, et je continue à penser que cette outrance a dû éveiller la méfiance de beaucoup. Car l’adage «trop beau pour être vrai» est connu d’une grande majorité des votant(e)s.

La seconde erreur fut d’annoncer, dans une euphorie censée être générale, que le but final réel poursuivi par la consultation était un premier pas vers l’adhésion pure et simple au Machin de Bruxelles. Cette immense bévue politique a fait basculer le scrutin, plus encore que la propagande ci-dessus évoquée.

Membre du comité vaudois contre l’adhésion à l’EEE, j’ai le souvenir d’une conférence de presse tenue à Pully. La presse y avait délégué une quinzaine de journalistes, pour la plupart des stagiaires, chargés de poser des questions absconses. Les réponses des membres du comité étaient souvent accompagnées de rires, voire de ricanements. L’information n’avait rien à y faire. Comment pouvait-on être contre l’avis de l’illustre conseiller fédéral vaudois? L’économiste que j’étais et suis toujours, s’est vu asséner la théorie de l’inéluctable unification des taux d’intérêts en Europe, qui servait alors d’argument économique définitif. La Suisse ne pouvait rester un îlot financier en Europe. Je paye pourtant aujourd’hui des intérêts hypothécaires à hauteur de 1,6%.

La TSR avait choisi la bourgade où j’habitais comme représentative de je ne sais quoi. J’ai accepté d’être questionné par un journaliste, tel le représentant d’une lignée en voie d’extinction. Le partisan de l’EEE était un cordonnier que j’estimais beaucoup mais qui n’avait en fait aucun argument à faire valoir. Il représentait la sagesse du bon peuple, j’avais le rôle du réac-universitaire. J’avais sous-estimé l’impact de ces secondes télévisuelles. J’ai enregistré un nombre surprenant de quolibets, injures, commentaires calomnieux, et plusieurs mandants ont résiliés les contrats qui nous liaient. Mon épouse est rentrée en pleurs de son travail, copieusement raillées par ses collègues lorsqu’elle a tenté de défendre une position similaire à la mienne.

C’était il y a vingt ans, un 2 décembre, un jour noir pour qui vous savez, un gros soulagement pour moi. Plus que jamais, je reste convaincu de la sagesse de ce résultat dû à nos confédérés alémaniques, qui doivent être remerciés. Mais ceux qui, en Welschland, ont fait le combat contre l’EEE se sont trouvés cloués au pilori durant des années, par les perdants qui étaient, et pour certains sont encore au pouvoir par cooptation. Et s’il ne reste que 20% de la population désireuse de rejoindre l’Europe, ce n’est pas le cas de la classe politique de ce pays, dont une majorité semble s’activer par divers biais à transformer la Suisse en un ectoplasme bon à se fondre… à se confondre…, dans une entité tout aussi virtuelle du nom de UE qu’ils appellent toujours de leurs vœux.

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