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Mon village

Olivier Klunge
La Nation n° 2163 4 décembre 2020

Habitant un village de quelques centaines d’habitants entre Jura et Venoge, je me suis réjoui de l’annonce de la construction par l’association scolaire d’une piscine dans le bourg voisin. La construction n’en est, paraît-il, pas plus onéreuse que celle d’une salle de gym et profite à l’ensemble de la population.

Arguant d’un manque de classes d’école aggravé par l’évolution de la population, l’association a convaincu les communes membres de profiter du projet pour y ajouter une dizaine de classes.

Huit ans plus tard, le complexe sort de terre et devrait accueillir élèves et baigneurs à la prochaine rentrée scolaire. Jusqu’ici tout va bien… Las, comme la planification scolaire a surestimé les besoins, il y aura surabondance de locaux. Et comme le Département de la formation et de la jeunesse recommande d’abandonner les petites structures1 et que l’association entend utiliser en priorité ses immeubles plutôt que de louer des classes aux communes, le comité intercommunal décide de fermer trois ou quatre collèges de une à deux classes dans les villages.

Cette histoire est celle de la destruction (parfois intentionnelle, souvent par négligence) des communautés villageoises par l’alliance de la mentalité individualiste avide de services et de la logique administrative. La disparition de petits collèges villageois n’est justifiée ni par la qualité (tant les parents, les enfants que les enseignants concernés les apprécient), ni par les coûts ou l’écologie (les transports scolaires ne seront pas moins nombreux ni moins longs et le béton des nouveaux locaux devra être amorti sur des décennies). Elle répond à une logique administrative qui compartimente les questions dans des silos étanches: l’association scolaire économise en utilisant ses locaux, financés par les contribuables communaux, sans se préoccuper du coût de réhabilitation pour les communes des locaux désaffectés. Le directeur d’établissement simplifie sa grille horaire sans se soucier des implications pour le restaurant du village perdant le mandat de la cantine.

Une école ne fait pas un village, mais l’histoire se répète avec l’église (pourquoi chauffer six lieux de cultes plutôt qu’un seul), la déchetterie, le contrôle des habitants, etc. Petit à petit, au nom de l’efficacité des services pour la population (les horaires étendus!) et sous les coups d’avalanches de directives et de normes, les communes se transforment en quartiers et les municipalités se voient dessaisies de leurs compétences, jusqu’à ce que la fusion devienne une évidence («On fait déjà tellement de choses ensemble!»).

A la fin, il y a des citoyens bénéficiant d’une piscine dernier cri accessible en quelques minutes après un détour par la déchetterie high-tech, mais qui ne sentent plus de solidarité avec leurs voisins, ni de responsabilité pour la gestion des affaires locales.

Notes:

1    D’obscurs prétextes de sécurité et de flexibilité ont été invoqués, mais l’idéologie égalitariste du mélange des populations n’y est sans doute pas étrangère.

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