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Des marchés publics locaux

Olivier Klunge
La Nation n° 2176 4 juin 2021

En mars dernier, le Conseil des Etats a refusé de donner suite à une initiative parlementaire visant à faciliter les conditions auxquelles le Conseil fédéral peut étendre le champ d’application des conventions collectives de travail à l’ensemble d’une branche professionnelle. Déposée par Olivier Feller et soutenue par le Centre Patronal, elle avait trouvé grâce au Conseil national et avait été activement soutenue par Paul Rechsteiner, président sortant d’UNIA.

Les conventions collectives de travail, négociées pour un secteur d’activité entre syndicats d’employeurs et d’employés, sont un des ingrédients majeurs de la solidité et de la résilience  de notre économie. Pourtant, le libéral considère que ces ententes, surtout si leur application est imposée aux entreprises récalcitrantes par l’Etat, restreignent la liberté d’entreprendre et freinent la saine concurrence. Pour le marxiste, ce n’est qu’une diversion du grand capital dans la lutte des classes qui empêche l’Etat d’imposer des normes égalitaires pour tous les travailleurs.

La réalité de l’entreprise et du monde du travail ne fait pas bon ménage avec les idéologies. Certes, les travailleurs ont certains intérêts communs à défendre, mais cette solidarité «de classe» n’est en tout cas pas plus essentielle que l’intérêt que les employés d’un secteur professionnel ont avec leurs patrons pour défendre leur corporation, ses usages (que ce soit en terme de sécurité ou de conditions de travail), sa valeur (prix et salaires minimaux) et son organisation (en matière de formation par exemple).

Le domaine de la construction l’illustre bien. Travailleurs comme entrepreneurs ont un intérêt commun à défendre les conditions de travail locales et les normes de qualité helvétiques face à la concurrence étrangère. Le consommateur perdra certes l’occasion de profiter d’une sous-enchère, mais il s’y retrouvera avec des standards de qualité assurés par une formation et un contrôle professionnel.

Les conventions collectives de travail permettent aux employeurs et aux travailleurs de se réunir autour de leurs intérêts communs et de négocier, au-delà des dogmes partisans, des concessions réciproques selon les besoins particuliers des partenaires sociaux (par exemple, une flexibilité de l’horaire de travail contre une retraite anticipée, ou une augmentation salariale liée à une exigence accrue de formation). Leur exécution est assurée par des organes communs (commissions paritaires).

L’extension par l’Etat (Confédération ou Canton, selon le champ territorial) permet d’éviter une concurrence déloyale de la part d’entreprises réfractaires à l’organisation professionnelle ou étrangères1. Avec cette intervention dans l’économie privée, l’Etat reste à sa place de garant de l’intérêt national supérieur: il se cantonne à accepter ou non de sanctionner un accord entre partenaires sociaux; il ne restreint pas l’innovation ou la création d’entreprise, mais assure le respect par tous les concurrents de certains principes de base, expression d’un usage corporatiste.

Il est regrettable que les idéologies partisanes libérales et étatistes animant notre Conseil des Etats aient empêché le renforcement d’une institution pragmatique utile tant à la protection sociale qu’à la vitalité de notre tissu économique.

Notes:

1  Il s’agit d’une des mesures d’accompagnement dans le cadre des relations bilatérales avec l’UE.

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