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Martha Argerich, huitante ans

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 2176 4 juin 2021

J’invite nos lecteurs, mélomanes ou non, à saisir trois noms dans le moteur de recherche de leur ordinateur: «Argerich Dutoit Tchaïkovsky». C’est l’accès à une archive de la RTS datée du 5 janvier 1975. Ce soir-là, Martha Argerich donnait au Victoria Hall un premier Concerto pour piano de Tchaïkovsky incandescent, sous la direction de Charles Dutoit à la tête d’un OSR en grande forme. A cette époque, l’orchestre est encore paré des sonorités à la française, acérées, un peu acides, précieux héritage d’Ansermet. Soulevé par la gestique énergique, presque athlétique et diaboliquement précise du chef vaudois, il donne une réplique enthousiaste à la fougue indomptable de la soliste. Ce concerto, souvent englué dans un pathos caricatural (il ne s’y prête hélas que trop!) fait éclater ici un bonheur de vivre communicatif. Le grand thème lyrique du second mouvement, qui permet l’épanchement d’une facile sentimentalité, mène, dans cette lecture euphorique, à la tendre rêverie, celle à laquelle on s’abandonne avec délice un après-midi d’été, sous le feuillage, quand on a bien mangé. Le bonheur, toujours! Mais il faut se réveiller: la souplesse rythmique du troisième mouvement invite à la danse, tantôt raffinée, tantôt sauvage. C’est l’éblouissant talent de Martha Argerich de savoir passer d’une délicatesse frémissante à une tornade dévastatrice, avec une virtuosité imperturbable, mais jamais figée dans des traits prévisibles.

Martha Argerich, née en Argentine, a la nationalité suisse. Elle fut de 1969 à 1973 l’épouse de Charles Dutoit. Ils ont occupé une villa à Jouxtens. Le mariage n’a pas duré aussi longtemps que leur complicité artistique. Cette fructueuse collaboration a commencé en 1959 avec le Concerto en sol de Ravel, œuvre restée au répertoire de l’un et de l’autre. En 2014, au Verbier Festival, le couple redonnait le Concerto de Tchaïkovsky, dans une vision plus automnale. Charles Dutoit aura huitante-cinq ans cette année, et Martha huitante ce 5 juin. Qui le croirait? Le génie est sans âge.

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