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Ce qui nous attend

Denis Ramelet
La Nation n° 2176 4 juin 2021

Rod Dreher est un chrétien américain de tendance conservatrice, passé du méthodisme au catholicisme, puis à l’orthodoxie. En 2017, il a publié un livre qui a été traduit en français la même année et qui a eu un certain retentissement dans les milieux chrétiens des deux côtés de l’Atlantique: Le pari bénédictin: comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus (éd. Artège, 2017). Cet ouvrage a fait l’objet d’une présentation lors d’un de nos Entretiens du mercredi.

A l’automne 2020, Rod Dreher a publié un nouveau livre, dont la traduction française est parue ce printemps: Résister au mensonge : vivre en chrétiens dissidents (éd. Artège, 2021, 226 pages). Le mensonge auquel l’auteur exhorte les chrétiens à résister, c’est ce qu’on appelait naguère le «politiquement correct» et aujourd’hui l’idéologie woke, qui signifie «éveillé» en argot afro-américain: est woke celui qui a «ouvert les yeux» sur les injustices et l’«oppression systémique» dont serait victime telle ou telle minorité ethnique, sexuelle (les LGBTQIA+) ou autre (les handicapés, les gros, etc.).

Le bras armé de l’idéologie woke, ce sont les «guerriers de la justice sociale», en anglais social justice warriors, abrégé SJW. «Loin d’être relativistes en matière de morale, les SJW sont des rigoristes animés par un souci constant et profond de pureté, et ils ne reculent devant rien pour imposer leurs sacro-saintes croyances» (p. 75): pression médiatique, effet de meute sur les réseaux sociaux, intimidation, attentats contre les biens, voire contre les personnes. Les chrétiens doivent réaliser qu’ils ne sont pas confrontés aujourd’hui à une simple idéologie politique mais, comme déjà avec le communisme, à une «pseudo-religion qui semble répondre à un besoin de sens et de morale dans notre société postchrétienne» (p. 109).

«C’est l’idéologie progressiste – qui a existé sous diverses formes depuis les Lumières – qui explique le fanatisme à toute épreuve» des SJW; «la croyance fanatique dans le progrès est la force qui meut leur utopisme fébrile» (p.60). Le mythe du progrès est consubstantiel à la modernité. «La dévotion à l’idéal du progrès n’a malheureusement pas commencé avec Marx, et elle ne se limite pas aux marxistes. Le plus bourgeois des citadins croit tout autant au mythe que le trotskyste universitaire le plus idéologiquement rigide» (p. 66). «Dans les démocraties libérales, le conflit droite-gauche est en réalité une lutte entre des progressistes conservateurs et des progressistes radicaux, les désaccords ne portant guère que sur le rythme du changement et quelques points de détail» (p. 69). «Entre les mains des totalitaires en puissance, le mythe du progrès est un outil redoutable, il donne à chacun de leurs actes une source transcendante de légitimité» (p.64).

La conviction de Rod Dreher est en effet que l’Occident se trouve à nouveau dans une période pré-totalitaire, comme au début du XXe siècle. C’est la raison pour laquelle toute la seconde partie du livre, dont nous ne traiterons pas ici, est consacrée aux moyens à mettre en œuvre pour résister en cas de prise effective du pouvoir par ces nouveaux «Gardes rouges» que sont les SJW.

Tout au long du livre, en particulier dans la seconde partie, Dreher insiste énormément sur la capacité à endurer la souffrance pour résister à un régime oppresseur. Or, déplore-t-il, «très peu de chrétiens contemporains sont prêts à souffrir pour leur foi, parce que la société thérapeutique qui les a formés n’admet aucun bénéfice à la souffrance, au point que l’idée de la supporter au nom de la vérité semble désormais ridicule» (p. 29).

Qu’entend donc Dreher par «société thérapeutique»? Voici ce qu’il écrit: «Dans son célèbre essai de 1966 The Triumph of the Therapeutic, Philip Rieff écrit que la mort de Dieu en Occident a donné naissance à une nouvelle civilisation vouée à libérer l’individu de toute contrainte dans sa recherche du plaisir individuel et dans la gestion des angoisses qui en découlent» (p. 27). Cette évolution sociale n’a pas été sans incidence sur la religion elle-même. «En 2005, Christian Smith et Melinda Lundquist Denton ont inventé le concept de “déisme éthico-thérapeutique” pour décrire la forme décadente adoptée par le christianisme (et par presque toutes les religions) dans la société contemporaine. Ce déisme consiste en la croyance générale que Dieu existe, et que la seule chose qu’il exige de nous est que nous soyons gentils et heureux» (p. 28).

Pour résister aux attaques toujours plus dures de la modernité, l’Église du Christ doit impérativement retrouver ses fondamentaux.

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