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Régime minceur pour l’écureuil

Cédric Cossy
La Nation n° 2179 16 juillet 2021

Suite à la présentation des comptes 2020 de l’Etat, le journaliste Renaud Bournoud a comparé l’Etat à un «écureuil obèse qui attend assis sur son tas de noisettes»1. Quelques semaines plus tard2, il relançait la discussion en analysant le bilan: le capital propre du Canton se monte à plus de quatre milliards, soit un sacré tas de noisettes!

Ce n’est sûrement pas en appliquant une politique d’austérité que le Canton a thésaurisé. Depuis 2010, les charges ont augmenté de 36%, soit plus du double de l’accroissement de la population. Le secteur santé/social, en particulier, génère des coûts en hausse de 78% durant la même période. En 2020, les charges de l’Etat de Vaud représentaient 13'575 francs par habitant, soit un bon quart de plus que dans les cantons de Berne, Valais, Neuchâtel ou Fribourg. Seul Genève fait moins bien parmi nos voisins.

Le Canton n’a pas fait de déficit sur les seize derniers exercices. Mais il n’inscrit plus de bénéfice depuis 2012, année à partir de laquelle les différences entre recettes et dépenses sont systématiquement neutralisées par des écritures de bouclement. Exprimé autrement, les comptables du DFIRE ajustent – vers le haut – les dépenses aux recettes.

L’Etat a d’abord achevé la réduction de sa dette de 8,6 à 1,0 milliard. En tant qu’employeur, il a ensuite contribué pour 1,44 milliard à la recapitalisation de la Caisse de pension de l’Etat de Vaud. Cette somme provisionnée entre 2012 et 2014 a été progressivement libérée jusqu’en 2017, conformément au plan arrêté avec les Retraites Populaires. De plus, sur les dix dernières années, on peut estimer à environ 1,8 milliard les «amortissements de subventions» – nous comprenons des prêts d’investissement ou des réserves convertis en subventions – majoritairement au bénéfice des EMS et des transports publics.

Considérons enfin la provision imprévisible de 403 millions pour les mesures covid passée en 2019. L’addition de toutes ces écritures hors budget correspond, de 2010 à 2019, à un excédent annuel de l’ordre de 500 millions par an, soit plus de 5% des recettes.

En 2020, l’Etat n’a pas eu besoin de créatives écritures pour boucler à l’équilibre: les 507 millions de dépenses covid extraordinaires ont exactement correspondu à l’excédent annuel de revenu3 estimé ci-dessus, ceci sans avoir à entamer la réserve créée en 2019 à cet effet. Hors crise, le Canton peut donc, sans rien changer à sa politique, faire face à ses charges courantes avec 500 millions de recettes en moins.

Monsieur Broulis évite soigneusement de détailler le bilan lors de la présentation des comptes, se contentant au mieux d’afficher la progression de la dette. Mais il vaut la peine de faire l’historique du capital propre.

Depuis 2010, le patrimoine financier à l’actif du Canton a passé de 5,0 à 8,1 milliards. Simultanément, le capital propre au passif a grimpé de 307 millions – c’était certes peu pour assurer un autofinancement pérenne – à ces fameux 4,0 milliards. Ce sont donc quelque 350 millions par an que le Canton a amassé en toute discrétion, ceci même en pleine crise covid!

500 millions de dépenses hors budget + 350 millions de capitalisation propre font 850 millions par an, soit à peu de choses près la sous-évaluation à répétition des recettes au budget de ces mêmes dix dernières années. On peut s’étonner que le Grand Conseil approuve sans broncher, année après année, cette mésestimation délibérée et l’accumulation de capitaux inutilisés qui en découle.

L’écureuil vaudois est bel et bien en surpoids, accumulant de manière compulsive des noisettes dont il ne sait pas très bien que faire. Dans l’intérêt des Vaudois, un rééquilibrage raisonnable entre recettes et charges s’impose, par l’usage de deux leviers. Le premier est celui des investissements, actuel parent pauvre des dépenses de l’Etat, avec une moyenne de 300 millions annuels. Nous y reviendrons dans un prochain article. Le second est une baisse de la fiscalité: même en doublant ses investissements, le Canton doit s’attacher, une fois payées les conséquences bien réelles de la crise covid, à réduire d’un demi-milliard la charge fiscale imposée à ses habitants et entreprises.

Notes:

1    24 heures du 25 avril 2021.

2    24 heures du 1er juin 2021.

3    Parenthèse sur les recettes 2020: le poste «patentes et concessions» enregistre la plus forte hausse annuelle en passant de 167 à 293 millions. Comment expliquer cette augmentation sur un exercice durant lequel hôteliers et restaurateurs ont été contraints à des fermetures partielles?

 

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